Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article JUS ITALICUM

JUS ITALICUM. L'expression de jus italicum ou jus Italiae' n'est mentionnée que dans l'Histoire naturelle JUS 7ff6 JUS JUS -7'7JUS jus italicum, on arrive à cette conclusion : le « droit de l'Italie » est le privilège qui enlève au territoire d'une ville son caractère de sol provincial, l'assimile au sol italien, et lui en assure la condition indépendante et privilégiée 2. Les habitants de cette ville avaient déjà les droits des citoyens romains, leurs terres reçoivent à leur tour les droits de « la terre romaine 3 », les contrats qui concernent ces terres sont ceux du droit romain 4, et elles sont exemptes de l'impôt parce qu'elles sont libres, et que l'impôt est « la marque de la captivité 6 ». Le « sol italien » n'est que le prolongement du « sol romain », et ce qu'on appelle jus ilalicum est l'ensemble des droits de l'ancien ager romanus Mais le jus italicum comprend-il d'autres privilèges que ceux qui sont inhérents à la nature et à la liberté du sol? Ici encore on n'a pu faire que des conjectures. On a supposé a que, de Lout temps, les citoyens des villes assimilées à l'Italie ont possédé le jus honorant, le droit d'accès aux magistratures romaines: ce droit, au moins au temps de Claude, n'était pas général à tous les Romains. C'est possible, ce n'est pas prouvé. Les lois caducaires d'Auguste stipulaient certains privilèges, comme l'exemption de la tutelle, aux pères, à Home, de trois enfants, en Italie, de quatre, en province, de cinq 9 : il est vraisemblable que le chiffre de quatre était nécessaire et suffisant pour les villes provinciales de droit italique, car Gaius parlait précisément de ces dernières dans son ouvrage sur les lois caducaires 10. En revanche, toutes les tentatives faites pour rechercher les avantages politiques et administratifs des communes de droit italien ont complètement échoué, faute de textes". Une dernière conjecture sur les villes de droit italique doit être examinée. D'après Servius, la présence, sur le forum d'une cité, de la statue de Marsyas, est un « symbole de liberté » et la preuve « (1u'il ne manque rien à la ville 12 » : elle ressemblait par là à Rome, qui, au moins depuis Sylla, possédait sur son forum l'image en pied du satyre [vonu9, p. 1300]. Nous connaissons quinze cités provinciales, parmi celles auxquelles fut accordé l'honneur du Marsyas (fig. 14243) 13. Or, aucune de ces cités n'est de celles qu'on appelait fédérées, libres ou autonornes; ce sont toutes des villes de citoyens romains, et parmi elles il y en a cinq que nous savons avoir joui du droit italique. On peut donc supposer que le Marsyas est le symbole puFig. 4213. Hic et visible de ce droit 1i. Mais alors, pourquoi Servius parlerait-il de liberté? se tromperait-il? ou faut-il croire, en dépit de l'absence de tout autre texte, que les villes dites italiennes jouissaient de la liberté publique "? Il est inutile de recourir à cette hypothèse, et il est possible de garder intact le texte de Servius, en rappelant ce qui a été dit plus haut : le droit italique affranchissant la terre de l'impôt, le Marsyas devenait un symbole de liberté, indicium libertalis, puisqu'il effaçait cette ]parque d'asservissement, nota captivilalis, qu'était le tribut 16. On peut voir par ce qui précède le peu de renseignements que nous possédons sur l'histoire du droit italique. Il a d11 se constituer lorsque, après la guerre sociale, le droit gniritaire et les privilèges de l'ager romanus furent étendus à l'Italie proprement dite ". Il est possible que la suppression de la province de Gaule Cisalpine en 1112 av. J.-C. ait entraîné l'extension des mêmes prérogatives au nord des Apennins 18. Ce serait, dans ce cas, la première concession, en date, du jus ilalicutu, et peut-être l'occasion qui a fait inventer le mot. César ou Auguste imaginèrent d'octroyer le droit à quelques colonies d'outre-mer, d'Espagne 1° et peut-être aussi de Macédoine, et on a conjecturé, avec une apparence de raison, qu'Auguste voulut épargner par là un trop grand dommage aux colons, originaires et expulsés d'ltalie 20. Si cela était vrai, on serait en présence de cette séduisante solu JUS 748 JUS lion, que le jus italicum se serait. adressé, au moins' à l'origine, à des colonies d'élément civil, à l'exclusion des nombreuses et banales colonies militaires 1. Trajan et ses successeurs ont peut-être voulu, par ce moyen,.favoriser la colonisation de la Dacie. Les empereurs de la dynastie des Sévères s'en servirent pour récompenser leurs amis de Syrie et d'Afrique 2. Quand l'Italie fut soumise aux tributs, à la fin du Hie siècle, le jus italicum ne disparut pas pour cela: mais la distinction en terres italiennes et provinciales tendit de plus en plus à n'être qu'une formule d'école, et le principal avantage que comportait le droit italien, l'imnlunitas, se trouva manquer à l'Italie même, sauf sans doute à la ville de Rome Constantinople reçut le droit italique, pour n'être pas inférieure à l'autre capitale. Justinien supprima enfin toute différence entre terres italiennes et terres provinciales 3; cependant, le jus italicum semble avoir été maintenu, mais il ne comportait plus que des avantages fiscaux, et le mot ne fut guère autre chose qu'un syno JUSJURANDU.Ii ("Opxoç).-GRÉCE. I. LE SERMENT EN GÉNÉRAL. D'après l'étymologie', le serment ou ôpxos est une « barrière » morale opposée à la liberté des paroles et des actions humaines2. Sur cette barrière veillent toujours des dieux. En invoquant les dieux par serment, un homme s'engage par-devant témoins (..crupot3, ïeropes4) envers un autre homme; il lui donne des sûretés. Ce principe est nettement fixé dans la conscience grecque dès la période épique. « Lions-nous l'un à l'autre, dit Hector à Achille, avec la garantie des dieux; car ce sont les meilleurs témoins et surveillants des accords 6. » De là vient la formule si originale du serment homériques (par Yerw), formule qui ne se perdra nulle part' et ne sera jamais remplacée en Béotie a. De là vient aussi cette idée, qu'on offense les dieux donnés comme cautions, non seulement quand on prête un faux serment, mais encore quand on refuse créance au serment d'autrui'. § 1. L'invocation aux divinités. Les divinités invoquées dans les serments ne sont pas prises au hasard. Les scoliastes consultaient des ouvrages techniques, comme le traité de Théophraste nuit ôçxnv 10, pour expliquer toutes les invocations qu'ils trouvaient dans les comédies. Dans les poèmes homériques'', les dieux jurent par la Terre, le Ciel et le Styx'''. C'est « le serment le plus grand et le plus redoutables' » : il associe les trois éléments dans une synthèse supérieure et remonte aux plus lointaines origines des races humaines 14. Déjà la mention du Styx frappait l'imagination par quelque chose de mystérieuxlS. Quant aux hommes, ils jurent ordinairement par Zeus 16, mais dans les circonstances solennelles par Zeus, Gè et Ilèlios i7, l'air, la terre et le soleil. A cette triade, ils joignent parfois les Fleuves 18 et les vengeresses du parjure, les Érinyes 19. Dans la période classique, on jure tantôt par les grandes puissances naturelles, devenues en fait divinités protectrices de la foi jurée, tantôt par des divinités particulières que désignent les lieux ou les circonstances. Sont invoqués universellement: Zens,patron d'Ilorkos2U, maître des Érinyes 21, dieu ôaxlos 22, dieu ,,:(crics 23, dieu ôpzrptoç 24 ; Gè 25, digne mère de cette Thémis 26 qui est appelée ZTlvos 4xta ; IIèlios 2s, qui voit tout, entend tout et sait tout 21, « surveillant des dieux et des hommes 30 » oeil de justice 31 », « gardien de la foi » (rtaro?u),a,) 32. Pour les serments comme pour les jurons, cette mon naie usée des serments, l'invocation aux divinités particulières varie selon les villes $3. A Thèbes, on invoque Héraclès 34 et Iolaos 3' ; à Ilaliarte, les llpz,(xvt 36 ; à Mégare, le héros Dioclès 37; à Corinthe, Poseidôn 38 ; à Pellène, Artémis Sôteira 3' ; à Olympie et dans toute l'Élide, Zeus 4) ; à Éphèse, Artémis s" . Les Spartiates jurent familièrement par les Dioscures (v«i rm a;))''2 ; mais dans JUS 749 -JUS les grandes occasions ils jurent par les grands dieux, comme Zeus Herkeios ou Athènè Chalkoikos 2. En Sicile, on invoque Perséphone ou, plus solennellement, les Thesmophores4. Les Athéniens jurent par leur divinité Iocale, Athènè 5, mais sans prédilection : ils attestent plus souvent Zeus, Apollon, Dèmèter, Poseidôn, Ilèraclès et Dionysos 6, les dieux Olympiques tous les dieux et déesses Règle générale : on ne jure point par une divinité qui n'a pas de sanctuaire dans la cité 9. Aux divinités qu'elle invoque, on reconnaît le sexe d'une personne, son âge, sa position sociale. Sparte est la seule ville où les femmes jurent comme les hommesi0 A Athènes, elles se réservent le serinent par IIera : pour l'avoir usurpé, Socrate donna prise à la calomnie". Au ve siècle, les femmes invoquent les deux déesses (p... Tôt 0.4 12; plus tard, l'une d'elles, Dèmèter13 ou Corè14. Elles invoquent aussi Ilècatè 15. Les jeunes femmes, surtout les vierges, jurent par Artémis'. La loi de Gortyne, qui exige souvent le serment, sans jamais rien spécifier, demande expressément aux femmes de jurer par Artémis": c'est qu'elles ne peuvent pas prêter le serment ordinaire. Les courtisanes jurent par Aphrodite : Aristophane veut faire rire quand il met ce juron dans la bouche des femmes mariées18. Est-ce aussi pour l'effet comique qu'il fait jurer des femmes batailleuses, comme des éphèbes armés, par Aglauros" et Pandrosos20? En tout cas, c'est par plaisanterie qu'il fait de temps en temps jurer une virago par Apollon 21. Plus de diversité encore dans les serments et jurons des honunes. Au Pirée, les loups de mer jurent par Poseidôn 22 ; les vieux campagnards de l'Attique, par Dèmèter23; mais, comme il arrive, ses jurons se répandent en dehors de la profession. La jeunesse dorée invoque Poseidôn `i7r,rtoç94 ; les soldats, A3ès et Enyalios 25 ; les commercants, Hermès26; ]es gens de théâtre, Dionysos27 les médecins, Apollon, Asclèpios, Ilygieia et Panakeia28. Les Pythagoriciens jurent par leur maître, « par celui qui a transmis dans nos âmes' le quaternaire, source et racine de la nature éternelle » 29. Très souvent, l'occasion détermine le serment30. Dans les comédies, on invoque Dionysos 31 ; dans les tragédies, la principale divinité de la fable traitée". Pour conjurer un malheur, on jure par parlant à des prêtres, on jure par les divinités qu'ils servent 35, comme les prêtres eux-mêmes 36 et les fonctionnaires préposés aux fêtes37. On atteste tel dieu, par allusion à tel événement". Et ainsi, dans une occasion solennelle, ce même Démosthène, qui, jeune, jurait au hasard par la terre, les sources, les rivières et les fleuves39, évoqua de leurs tombes, en témoignage de son serment, les morts divinisés de Marathon et de Salamine 40. Pour les serments officiels, chaque ville avait sa formule d'invocation « légale » et « nationale » 41 (vd(xtp.oç, étaient eux-mêmes « nationaux »" eL « légaux » Le vdlt.!N.oç IJpxoç est régulièrement exigé dans les actes publics (lui ne donnent pas la formule intégrale du serment°°. Ainsi, le décret-loi de Dèmophantos, qui donne le texte d'un serinent civique, s'en réfère pour l'invocation à l'usage légal". A Dymes, l'étranger admis au droit de cité doit certifier l'état civil de ses enfants mineurs sous la foi du vdp.tu.oç ~pxoç 48 : entendez, non pas un serment prêté par tous les pères de famille49, mais un serment selon la formule de la cité. Un acte d'affranchissement trouvé à Delphes stipule que le maître et l'esclave jure ront en termes identiquesrbv vdp.tu.ov 5pxov 50: cela ne peut se comprendre que de l'invocation. Dans les traités, les peuples tenaient jalousement à leur vdpat, oç opxoç ~', afin de faire l'invocation xaTc T . rTptŒ12. Par analogie avec les cités, les phratries ont leur vdfi.m).oç ôpxoç fixé pour toujours 53. Ce n'est absolument que dans les textes littéraires que l'expression v6t,iap.oç 4xos prend le sens étendu et vague de serment traditionnelo4. Dans les documents d'ordre public, l'invocation à une seule divinité est rare'". Elle n'est pas assez solennelle. L'invocation à Zeus est devenue si banale depuis Homère 56 (v-r, A(a) qu'il faut une épithète, comme 'O4.7nov, Eo3 )px57, tparptov 58, pour lui maintenir sa valeur formaliste. A Érésos, des synègores jurent par Apollon Lykeios 39; mais les juges, par Zeus et IIèlios G0. Un décret de Zéleia mentionne un serment par Artémis ; mais il abrège probablement une formule où étaient encore invoqués Apollon et Let() 61. Si la loi de Gortyne défère le serment par Artémis, c'est, par exception, à une femme 62 JUS 7i0 JUS La formule à invocation triple est longtemps la plus usitée'. La triade Zeus-Gè-Hèlios était consacrée par la tradition2. Mais, en Attique, les Ioniens firent remplacer Hèlios par Apollon, et l'influence d'Éleusis fit invoquer Gè sous le vocable de Dèmèter 3. Ainsi s'est formée par identification la triade Zeus-Apollon-Dèmèter. Athènes la fait invoquer par ses archontes 4 et les magistrats de ses dèmes ; elle l'impose aux villes alliées durant la première confédération et au début de la secondes. Une autre triade est attestée par les Athéniens : Zeus-Poseidôn-Dèmèter 7. En épigraphie, elle apparaît pour la première fois dans un décret de 3-25/4 et, avec l'adjonction d'Athèna, dans un traité de 363/9. Mais elle était depuis longtemps invoquée dans le serment des hèliastesi0; elle l'était même, d'après une scolie, au temps de Dracon". De fait, il y a lieu de remonter à la formule anté-homérique : l'élément humide, le Styx, déjà rappelé dans l'Iliade par l'invocation aux Fleuves, l'est ici par le nom plus imposant de Poseidôn. En dehors d'Athènes, Zeus, Gè et Hèlios, qui garantissent les actes d'affranchissement f2, président aussi aux serments officiels : à Chersonèse, ils s'adjoignent des divinités locales 13 ; si, à Érésos, Ge fausse compagnie à Zeus et Hèlios 1+, Zeus et Apollon la retrouvent à Cnide"° Dans les serments des traités, la triade traditionnelle est généralement invoquée par les deux parties, et, quand elle se présente en société d'autres dieux, spécialement amis de l'une ou de l'autre partie, elle garde dans ce divin cortège la première place 16. L'influence de Delphes fit attester une nouvelle triade : Apollon-Lètô-Artémis. Les magistrats de l'Amphictionie l'invoquent dans les serments d'investiture 17, et les Phocidiens dans les serments d'alliance 18. I1 est plus curieux de la retrouver dans les serments prêtés par les citoyens d'Érétrie 19, et de la voir figures' 20, parmi d'autres divinités, dans les serments civiques ou internationaux des villes crétoises 21. La ligue achéenne attestait ses divinités fédérales", la triade t1(a 'AN..Ftov, 'AOxvzv 'AN.ap(xv, 'A?tol(rav, en ajoutant, selon la coutume de l'époque, xxi 7.014 OEoûç 7civ-raç. C'est ce serment qu'elle exigeait des villes confédérées23. On ne sait pas si la ligue étolienne avait un serment fédéral. Il semble toutefois qu'elle ait laissé aux 1lesséniens le droit de confirmer leur isopolitie avec Phigalia24 en jurant par leurs dieux : ils invoquent Zeus Ithomatas, Hèra ou Ilèraclès, d'autres dieux encore dont le nom s'est perdu, et, pour finir, OEinç b(.xéoç ^xvTaç; dans la confédération des Magnètes, on invoquait une triade fédérale 25 : ;N.vûw OCa 'Axsxiov xsè 'r v 'A7td),),wvx Tb)/ KoFo Au ive siècle, quand Athènes reconstitua son empire, elle ne tarda pas à renoncer pour ses triades nationales à la place exclusive qu'elle leur avait assurée. C'est dans les serments échangés en 37ii/4 avec Corcyre27 qu'elle a pour la dernière fois, dans nos documents, revendiqué la prééminence pour son vN.tu.oç doxoç. Dès 363/9,, dans un traité avec Céos 28, Athènè s'adjoint à la triade ZeusPoseidôn-Dèmèter. On est alors dans une période de transition ; car, en 361/0, les Athéniens, jurant d'après leur vdi.tp.ôç ôoxoç, laissent tacitement aux Thessaliens le libre choix de leur invocation23, et vers la andine époque naguère isolées sont fondues en une seule. Mais souvent on y reconnaît en nombreuse compagnie les triades traditionnelles 3L. Toute la Grèce en vint, pour les traités équitables entre villes autonomes, à réunir en une formule destinée aux deux parties contractantes les deux séries de divinités gpxlot. L'énumération s'allonge. Pour n'offenser personne clans le monde divin, on ajoute, vers le dernier tiers du Ive siècle, « tous les autres dieux et déesses 17 ». Les Phocidiens et les Béotiens, pour confirmer un traité, jurent de part et d'autre par Zeus ael),El; et IIèra prc() ;x (divinités de Lébadée), par Poseidôn (dieu d'Oncheslos), par Athèna (déesse d'Élatée), enfin par « tous les autres dieux » Eumène I et ses mercenaires invoquent trois triades : 10 ACa I'r"iv "Hatov ; lIooetbô, 'A77d)J,w, Ai,..-riTpx ; 3" "Ao7, 'AOvxv pE(xv xxi ~riv Taupo7sD,ov, et terminent par Toûç dh l uç OEoi ç ^ÿvraç xxi 7 rnç 3'. Les serments échangés en ?~i4 entre Smyrne et Magnésie du Sipyle sont plus compliqués : à deux des triades précédentes et à la déesse clmmune, la Mère du Sipyle, chaque ville joint respectivement sa divinité particulière, Apollon Éu Ilciviotç ou Aphroditè ETpxTOVtx(ç, pour finir par xxi Toûç Ci)),ouç O. 7t. x. 7r. 36, On se figure à quelle prolixité pouvaient atteindre ces formules bilatérales, quand on sait ce qu'étaient déjà les formules particulières à l'intérieur des cités. Dès le Ve siècle, les Locriens Ozoles usaient d'une invocation quintuple (TEVTOOz(a.) 37. Les éphèbes d'Athènes juraient par Agraulos, Ényalios, Arès, Zeus, 'lhallô,Auxô, llègémonè 38. Les citoyens d'ltanos juraient par cinq grandes divinités et toutes les petites de cieux temples39. A Chersonèse, on joignait à la triade Zeus-GèIlèlios « Parthénos, les dieux et déesses Olympiques et tous les héros à qui appartiennent la ville et le plat pays '°0 ». C'est surtout dans les serments échangés entre les villes crétoises que les formules d'invocation sont d'une longueur invraisemblable '°1 L'une d'elles énumère JUS -151 JUS dix-sept divinités, sans compter « les héros et héroïnes, les sources et fleuves, et tous les dieux et déesses' », Il n'est pas étonnant que dans le nombre reparaissent plus ou moins nettement plusieurs groupes traditionnels de deux ou trois divinités; ce qui est plus remarquable, c'est qu'en tête vient presque toujours Hestia 2. Divinisés de leur vivant, les successeurs d'Alexandre furent invoqués dans les serments officiels. On jurait à Magnésie par « la fortune du roi Séleucos 3 ». Sous les Ptolémées, on commençait le serinent par ôNvu o (ixataéa' c'était le 3x6t))txbç ~cxaç 5. Les Grecs étaient donc prêts, lorsque vint l'Empire, à jurer per Geninm Augusti LiMer 2. La prestation du serment. A l'origine de la société hellénique, les actes dont la mémoire devait être conservée s'accomplissaient sur les pierres sacrées. Cette coutume se perpétua pour les serments. A Phénéos, en Arcadie, on jurait sur le 1litipnp.x, monument primitif formé par la juxtaposition de deux grandes pierres'. En Attique, on montrait les rochers témoins des serments échangés entre Thésée et Pirithoiis 8. Près du portique royal' se dressait la pierre du serment, le ))(0oç10 sous lequel furent enterrés jadis les débris d'un sacrifice légendaire ". Sur cette pierre prêtaient serment les archontes, les diaetètes et les témoins astreints à l' ça t.o5(a'2. On voit par là ce qu'étaient les pierres de l'i pç et de l'vxtE(a.i3 : leur présence à l'Aréopage s'explique par les serments que les parties prêtaient pendant un sacrifice'`, comme devant l"T pç et I"Avxtio(x divinisées'". En général, tout serinent de quelque importance est prêté dans un sanctuaire16. Les documents officiels se contentent parfois d'annoncer que la prestation aura lieu Ev ieow:"; mais le plus souvent le temple est désigné 18. Certaines villes ont un temple voué à la prestation des serments les plus solennels" ; dans la plupart, on jure çà et là, selon l'occasion ou la commodité 20. Athènes a le temple d'Aglauros pour le serment des éphèbes 2', le sanctuaire des EEN.vxi pour les serments que comporte la procédure de l'Aréopage 22. On y voit des plaideurs jurer au Delphinion23 et les membres des phratries devant leur Zeus 11t.pz'rptoç24. On y connaît des lieux spécialement affectés à la prestation des serments, mais de réputation locale, tels quel'bprt»f1.5tov2' et 1'âpriT i,ptov de Gargettos°s On prête serinent debout", les yeux au ciel28, les mains tendues « vers Zeus 20 ». Le geste désigne la divinité prise à témoin 30. Les rois de l'épopée lèvent le sceptre en l'air 3'. Une médaille 39 représente (fig. 4244) les délégués des cités ioniennes prêtant le serinent fédéral : rangés symétriquement autour de l'autel, ils lèvent tous la main. Très souvent on touche l'autel"; c'est comme si l'on touchait le dieu mème3' d'où l'expression !Ji Tb,lobe :ourav: 35. Quand, au-dessus de l'autel, se dresse la statue du dieu, on y porte la main en même temps : la loi de Gortyne 3° fait prêter serment devant une Artémis à l'arc, et Ptolémée Kéraunos jure un jour suwplis in mains altaribus, cuntingens ipse simulacra et pulvinaria deorum3'1. Sauf dans les cas insignifiants, le serment ne va pas sans un sacrifice : c'est l'bpxuN.oalov 38, où les victimes offertes sont des ôpxtx. A l'époque homérique, le sacrifice, mise en scène de l'imprécation, est précédé du serment". On le commence en coupant à la victime les poils de la tête, qu'on partage entre les assistants "0. Plus tard", on ne voudra pas que le meurtrier prête serment sans que le sacrifice l'ait en partie purifié, et l'interversion justifiée par un cas particulier se fera dans tous les cas. Avec ses idées sur la souillure, l'Orient donnera aux Grecs les rites dramatiques de ses sacrifices sacramentaires. Désormais le serment est prêté sur les victimes embrasées : on touche les chairs calcinées. A l'imitation des Sémites 4", dans les occasions les plus solennelles, on se tient debout sur les TG)1.104 46. Cette coutume s'est maintenue à Athènes JUS 72 JUS dan les vieux tribunaux de l'homicide'. En ce cas, le sacrifice est une trittys : il n'y faut pas moins qu'un verrat, un bélier et un taureau'. Le plus souvent, on pose la main sur la victime'. Tout en faisant ce geste, on verse quelquefois en libation du sang et du vin', ou bien, lorsqu'on jure avant de voter, on prend son suffrage sur l'autel encore brûlant'. Certaines pratiques remplacent ou accompagnent le sacrifice. Très souvent, à l'occasion d'une paix internationale ou privée, les contractants se donnent la main 6. La mer, qui ne rend pas ce qu'elle a englouti, pouvait symboliser les engagements irrévocables. Pour confirmer un serinent, les Phocéens lancèrent dans les flots des masses de fer (p.ûôpot) ; Aristide donna aux Ioniens le même gage d'alliance éternelle'. A Syracuse, celui qui devait prêter « le grand serment » sacrifiait aux Thesmophores ; puis, revêtu de la pourpre divine, tenant en main une torche enflammée, il jurai t 9. C'était mêler au serment un sacrilège formel, dont le pardon ne s'obtenait que par une fidélité absolue à la foi jurée. La même idée détermina l'exploit impie des Ilermocopides10. Une autre coutume semble extraordinaire : on voit des soldats, avant d'aller au combat, recueillir le sang de la victime dans un bouclier et y tremper leurs mains ou leurs épées, pour se lier les uns aux autres". C'est un trait de moeurs emprunté par les Grecs aux Barbares. § 3. L'imprécation. Une formule de serment n'est complète qu'accompagnée d'une imprécation". Jurer, c'est s'imposer une loi dont l'imprécation est la sanction. Les documents officiels mentionnent parfois l'obligation de joindre l'imprécation au serment (Tlle Il i5pxwt Txv ioàv ivï~~EV) 13 ; la plupart du temps, quand ils ne renferment pas la formule intégrale, ils comprennent l'une dans l'autre implicitement14. L'imprécation la plus simple est ainsi conçue : « Fidèle à mon serment, à moi beaucoup de biens ; parjure, des maux au lieu de biens! » (EÔOp xOÛYTt (AÉY !l.Ot iroU' AyaO', i7CtOpxOÛVTt al "A 11.21t V'C't ' Owv). Telle est la formule la plus usitée, surtout à Athènes et à Delphes15. Elle comporte toute espèce de variantes : par exemple, pour une question d'ordre matériel, le parjure est prévenu qu' il se perd, lui et ses biens » (â7rdaÀue0ai xai EOTbv Y.rC Ta ~pY)!JaTa aûTOÛ) 1c Mais il y a des imprécations plus compliquées et plus terribles : ce sont celles qu'un orateur nomme Tâ; E,6EY(622; ip«;77, celles qui rappellent que la peine du parjure est la perte E,wÀE(a) de toute une race '$. Dans la ôtwu.oa(a devant l'Aréopage, chacun des adversaires jure xal'É(o))E(a; aiTOu rai yivou; xai oix(aç 19. Que pouvaient être les inaaditae ultimaequeexsecrationeslancées par un Ptolémée"? Qu'on en juge parles imprécations grandiloquentes des inscriptions crétoises. En voici un exemple : « A. ceux qui jurent loyalement et restent fidèles" à leur serment, que les enfants donnent de la joie, que la terre accorde ses produits en abondance, que les troupeaux soient féconds, et qu'ils soient comblés d'autres biens, eux et leurs enfants ! Qu'aux parjures ni la terre ne soit productive ni les troupeaux féconds ; qu'ils périssent méchamment, les méchants, eux et leur race 21 1 » Les cérémonies et les gestes qui accompagnent les serments ont presque toujours pour objet de rendre visibles les effets éventuels de l'imprécation. Ce sont comme des jugements de Dieu. Cette bête qui périt, ce vin qui coule montrent le sort réservé au parjure. « Si je fais un faux a serment, s'écrie Agamemnon clans l'Iliade, que les dieux « me donnent à foison les maux qu'ils donnent à qui « conque les offense par un parjure! » I1 dit, et plonge dans la poitrine du verrat l'impitoyable airain 22 ». Ailleurs, « on puise le vin dans le cratère à pleines coupes, on le verse sur le sol et l'on prie les dieux immortels. Chacun parle ainsi : « Zeus très glorieux, très grand, et « vous tous, dieux immortels, ceux qui les premiers trans « presseraient leur serment, que leur cervelle et celle de « leurs enfants soit répandue à terre comme ce vin ; que « leurs femmes passent à d'autres hommes 23 ! » Les Molosses conservèrent ce symbolisme : ils taillaient en pièces un taureau et versaient le vin sur ces débris 24. Jurer solennellement se dit longtemps en Grèce « découper les victimes sacramentaires » (Opxta entp.Eiv) 23, et la coutume survécut à l'expression. On ne goûtait jamais à la chair de ces victimes : elle était corrompue par les imprécations qui avaient passé sur elle. Dans les siècles épiques, elle était jetée à la mer ou enfouie 26. Plus tard, offerte en holocauste, elle était réduite en cendres. « C'était une loi religieuse, dit Pausanias 21, qu'une victime sur laquelle avait été prêté serinent ne pût servir à l'alimentation d'un homme ». Les libations étaient des c7rovir xprl'oi, dont le vin sans mélange n'était pas buvable 28. Enfin, l'imprécation explique pourquoi le jureur désigne de la main des personnes chéries, des objets précieux : il indique l'enjeu du serment. Ces enfants 29, ce père30, ce mari 31 sur la tête de qui l'on jure, on les touche effectivement à la tête 32. Des guerriers jurent sur leurs armes 33 ; un berger, sur une chèvre et un bouc 34 ; un plaideur, sur l'objet du litige 'c. On se borne parfois à désigner en JUS 773 JUS paroles ce qu'on est prêt à perdre en cas de parjure : la femme prête serment sur le lit conjugal' ; les amis, sur leur amitié 2 ; les hôtes, sur la table et le foyer 3, sur le sel et la table 4. Dans ce cas, le serment tout entier était comme pénétré par l'imprécation. serment dans l'antiquité grecque étaient innombrables. « Le lien de la démocratie, dit Lycurgue', c'est le serment. Il y a trois éléments dont se compose la cité, les magistrats, les juges, les particuliers. Chacun des trois donne le serment pour garantie ». Nous conserverons cette classification, en renvoyant à l'article FOEDIIS pour le serment dans le droit, des gens. Voyons donc le serment dans la vie politique, dans la vie judiciaire et dans la vie sociale des cités grecques. serment aux lois fondamentales de l'État était un principe de droit public. Le contrat social n'était pas tacite. « Partout en Grèce, dit Xénophon la loi exige des citoyens un serment d'entente mutuelle » qui est, d'après Xénophon lui-même, un engagement de se conformer à la loi commune. Les Athéniens prêtent ce serment au moment d'entrer dans le collège des éphèbes. Serment à la fois militaire et civique : les jeunes gens qui viennent de recevoir leurs armes promettent de les employer à la défense de la patrie ; les futurs citoyens promettent d'obéir aux magistrats et aux lois et de respecter les cultes des ancêtres 7 'voir urlunu, p. 621-625 avec la figure 2677, et (TenoIDES, p. 985;. A Drèros, vers la fin du me siècle, est usitée une formule avec engagements relatifs à la politique extérieure. Sur une inscription 6, les cent quatre-vingts âya),xor d'une promotion s'engagent à n'accorder aux Lyttiens ni paix ni trêve « ni de nuit ni de jour », mais à leur faire tout le mal possible, à ne jamais trahir ni conspirer, mais à dénoncer toute conspiration à leur connaissance. A Ilanos °, on retrouve proprement le serment civique, avec ses obligations moitié militaires moitié politiques. Tous les citoyens jurent ensemble : 1° de ne pas trahir, c'est-à-dire de ne livrer ni la ville, ni le plat pays, ni les îles, ni les vaisseaux, ni aucun des citoyens, ni leurs biens; 2° de ne participer à aucun complot ni conjuration, mais de tenir la dénonciation pour un devoir ; 3° de ne voter ni partage de terres ni abolition de dettes, et de n'intenter à aucun citoyen une action d'extranéité ; 4° de sauvegarder l'intérêt public dans le conseil ; 5° de ne pas porter atteinte à l'égalité établie en toutes choses divines et humaines par les lois passées, présentes et futures ; 6° enfin de travailler à la défense de la république, à la guerre comme en paix, chacun selon ses forces. Avec une expression plus nette de dévouement à la démocratie, c'est un serment du même genre que prêtent vers la fin du Ive siècle les citoyens de Chersonèse 10 Dans les cités oligarchiques, le serment était exigé des privilégiés. Les engage vents pris étaient quelquefois V d'un cynisme révoltant. Aristote" est scandalisé qu'on puisse être si maladroit. Il cite cette formule : '« Je serai malveillant à l'égard du peuple, et lui ferai dans le conseil tout le mal que je pourrai ». C'est, presque mot à mot, le contraire de la formule démocratique en usage à Ilanos12. Dans chaque ville, le parti oligarchique avait sa formule de serment toute prête, opposée à celle du parti adverse. De là, dans les serments démocratiques, ces défenses de favoriser, fût-ce par le silence, une cuvc»f,.oa(« anticonstitutionnelle et ces dispositions déliant de son serment quiconque s'était lié envers un régime antérieur'`. Après chaque révolution, tous les citoyens étaient donc tenus d'adhérer à la constitution triomphante. Les Grecs de l'époque classique donnent même à cette obligation une portée rétroactive : suivant Plutarque", le légendaire Lycurgue aurait fait jurer les rois, les gérontes et tous les citoyens de rester fidèles à ses lois. En tout cas, les serments civiques conservés par les inscriptions ont été pour la plupart formulés et gravés après un changement de régime. A Athènes, la création de l'archontat dut être la clause principale d'un statut juré". Quand Solon promulgua ses lois, tous les citoyens jurèrent de les pratiquer 17, et le serinent des archontes fut particulièrement solennel l3. Après la chute des QuatreCents, le décret-loi de Dèmophantos 1°, dont le dispositif fut emprunté aux archives du Mètrôon20 et qui mit hors la loi tout auteur d'un attentat contre le régime démocratique, exigea de tous les Athéniens, divisés par tribus et dèmes, ce serment : « Je tuerai en parole et en acte, de mon vote et, si je puis, de ma propre main, quiconque tenterait de renverser la démocratie d'Athènes, exercerait une charge du jour oit la démocratie serait renversée, se lèverait pour être tyran ou aurait aidé à établir le tyran. Si un autre est l'homicide, je le tiendrai pour pur au regard des dieux et démons, comme ayant occis un ennemi des Athéniens; je ferai mettre en vente tous les biens du mort et en remettrai la moitié à l'homicide, sans le frustrer de rien. Quiconque mourra en tuant ou cherchant à tuer un de ces hommes recevra de moi, pour lui et ses enfants, les récompenses accordées à Harmodios et Aristogiton et à leurs descendants. Tous serments prêtés à Athènes ou dans l'armée ou en quelque lieu que ce soit et hostiles au peuple athénien sont déclarés nuls et non avenus. » Une guerre civile est une lutte de deux serments, dans laquelle chaque parti prétend détenir le serment légal, le vf,.tf,.o; opxoç, et accuse le parti adverse de former une avvui t.oc(a criminelle. Pour rétablir une unité durable, il faut déterminer à nouveau les termes d'un serment commun, qui tient le milieu entre le serment civique et le serment de paix. Déjà dans l'Odyssée'-', c'est ainsi que se fait la réconciliation des deux partis qui sont aux prises après la mort des prétendants. Au ve siècle, la bourgeoisie d'llalicarnasse et le tyran Lygdamis 22, en 377 les factions de Thespies23 s'accordent par la prestation d'un serment commun. En 33'4, à Mitylène, la 95 JIIS 75J JIIS restauration de l'bll.ovo(x a, pour condition la fixation d'un serment par deux partis Plus tard, les citoyens de Kynaetha, en Arcadie, se donnent « les gages les plus solides qui soient en usage parmi Ies hommes 2 ». Ces serments de pacification intérieure se caractérisent par une clause stipulant l'oubli réciproque du passé : ce sont des serments d'amnistie. A défaut du mot vrtrn(a, on y remarque presque toujours cette « très belle expres sion 3 », tl,ii IlvTlclraxsCV. Tel est le cas pour les pactes conclus entre Mégariens en 424', entre Athéniens Quand la souveraineté d'une ville est réduite par une sujétion fédérale, cette diminution d'autonomie a pour conséquence l'établissement d'une formule nouvelle pour le sermenF civique. En 416/7, Athènes force « tous les Chalcidiens en âge de puberté» à jurer en cette formule: « Je ne me séparerai du peuple des Athéniens par aucune ruse ni manoeuvre, ni en parole, ni en acte, et je n'obéirai point à quiconque se séparerait d'eux; si quelqu'un pousse à la défection, je le dénoncerai aux Athéniens... Je me porterai au secours et à la défense du peuple athénien, si quelqu'un lui fait tort, et j'obéirai au peuple athénien » Réciproquement, une alliance jurée par tous les citoyens d'une ville est par là même proclamée constitutionnelle. L'histoire de la seconde confédération athénienne en présente un exemple à Sélymbria8. En Crète, le seraient civique de Drèros est en même temps un serment d'alliance avec Cnosse; les Stèlites jurent de respecter la convention qui les lie à Praisos9 ; les Olontiens et les Latiens, groupés par tribus, jurent tous les ans de maintenir leur pacte d'union 10; Hiérapytna fait prêter par ses agelai un serment annuel de fidélité à ses alliés 11 et demande, par contre, le même serment à tous les Rhodiens de la classe 12 » Quand deux cités s'accordent pour n'en plus former qu'une par sympolitie, elles se trouvent à peu près dans la même situation que deux partis qui transigent dans la même cité : le serment qui scelle l'existence de la nouvelle communauté tient à la fois du serment civique et du serinent international. Magnésie du Sipyle et Smyrne s'unirent par un serment de ce genre [FOEmUS, p. 1206]. En ti oici la partie caractéristique : « Je vivrai comme un citoyen libre, en bonne concorde et sans provoquer de trouble, selon les lois des Smyrnéens et les décrets du peuple. Je contribuerai à maintenir l'indépendance et la démocratie.. avec tout l'empressement possible et en toute circonstance. Je ne ferai de tort à aucun citoyen ni n'en laisserai faire par personne, autant qu'il sera en mon pouvoir. Si je suis informé de quelque projet hostile àla ville ou aux postes appartenant à la ville, de quelque entreprise contre la démocratie et l'égalité des droits, je la dénoncerai au peuple de Smyrne. Je l'assisterai dans la lutte de toute mon ardeur et ne l'abandonnerai point, autant qu'il me sera possible 13. » Rien ne ressemble davantage au serment civique d'Itanos ou de Chalcis. Dans les États gouvernés par un tyran ou un roi, le serment civique devient un serment de fidélité. Au vie siècle, un pareil serment imposait même à un mécontent comme Théognis de Mégare: « Ne sers pas un tyran, disait-il ; mais ne le tue pas, après t'être lié envers lui par un serinent". » Dans les pays de royauté traditionnelle, il y avait échange de serments entre le roi et le peuple. A Sparte, d'après l'auteur du Gouvernement des Lacédémoniens, les éphores, agissant au nom de la cité, et les rois se liaient par serment tous les mois : les rois juraient « de régner selon les lois établies », et la cité « de maintenir la royauté inébranlable tant que les rois resteraient fidèles à leur parole 13 ». Nicolas de Damas 16 ne parle que d'un serment prêté par les rois à leur avènement. Le renouvellement mensuel des serments est donc probablement une légende; mais l'échange des serments est un fait confirmé par l'histoire de la conquête dorienne et que Platon 1 admet pour la Sparte primitive, pour Argos et pour Messène. A Athènes, les Codrides et les archontes durent échanger régulièrement le serment constitutionnels. En Épire, les rois juraient « de gouverner selon les lois », et le peuple « de maintenir 1a royauté selon tes lois" » : le serment des rois avait pour sanction légale la déposition 20. Une inscription très mutilée de Syracuse 21 semble renfermer des fragments de deux serments politiques, l'un prêté par des rois du tut siècle, reconnaissant aux citoyens les droits dont avaient joui leurs pères, l'autre prêté par le conseil, les magistrats et peut-être le peuple entier. Dans tous ces Mats, les citoyens attendaient, pour s'engager, d'avoir reçu l'engagement des rois. Les Grecs n'ont donc fait que prolonger leurs traditions, quand ils se sont conformés à la coutume romaine du serment prêté à l'empereur. A chaque avènement, les villes envoyaient leurs délégués remplir ce devoir en pré sente du gouverneur. Nous connaissons un double exemple de serment prêté à Caligula22 Tandis que sous le régime démocratique le serment militaire se confondait avec le serment civique, les chefs d'oligarchies et les rois avaient intérêt à se faire prêter un serment spécial par l'armée. Le serinent militaire est mentionné à propos des expéditions faites par les Doriens dans le Péloponèse 23. 11 est resté longtemps en usage à Sparte, puisqu'une division tactique y conserve le nom d'i'io p.oti(«. D'après le décret-loi de Dèmophantos, les Trente se firent prêter serment par leurs soldats. Dans les monarchies asiatiques, les serments militaires étaient échangés, mais dans un autre ordre que les serments constitutionnels des royaumes helléniques : les chefs de l'armée s'engagent les premiers, et le souverain veut bien ensuite en faire autant. Sur une inscription de Pergame2«, quatre généraux, avec leurs officiers et soldats, jurent d'être fidèles à Eumène I « à la vie à la morte' », mais sous certaines conditions que le roi en retour jure de remplir exactement". Outre le serment civique, le pe+upleprête par exception, JUS 755 JUS dans certaines cités, d'autres serments. L'exercice du droit électoral semble quelquefois subordonné à cette condition. Platon' veut que l'électeur prête serment, en cherchant son bulletin de vote sur l'autel ou en suivant un chemin bordé des deux côtés par les entrailles des victimes. Un mot d'Aristote2 nous apprend où Platon a été chercher ses modèles : l'oligarchie voulait ainsi entourer d'une garantie religieuse le choix de ses magistrats. Une seule fois Athènes assermente des électeurs ce fut en pleine révolution oligarchique, quand dix commissaires reçurent mission de recruter les Cinq-Mille3. Ailleurs, les dèiniurges d'Oùanthè prêtent le quintuple serment avant de se donner des assesseurs. La même formalité prépare la nomination des arbitres qui régleront un litige entre Mégalopolis et Sparte 5. Assez fréquemment, le peuple s'engage par serment envers des particuliers. Idalion jure avec son roi de maintenir une concession de terre'; Cyzique, de respecter des privilèges'; Pergame, représentée par ses timouques, de perpétuer l'hérédité d'un sacerdoce 8. Érétrie fait confirmer un contrat par un serment de tous les citoyens, renouvelé annuellement par les éphèbes'. Quand on exige le -serment de tous les citoyens, on prend quelquefois soin de faire graver sur une stèle, non seulement la formule'), mais les noms de ceux qui ont juré". Mesure de contrôle presque nécessaire dans les villes qui portent des peines contre les citoyens insermentés72. Ces peines sont très rigoureuses. A Chalcis, c'est l'atimie avec confiscation des biens 13. Érétrie condamne à l'atimie quiconque n'aurait pas son nom inscrit sur la stèle, à l'amende quiconque proposerait de ne pas prêter le serinent, à l'atimie héréditaire tout auteur d'une proposition contraire au serinent prêté''. Aux mêmes fins, de fortes pénalités sont parfois prononcées contre les magistrats qui négligeraient de faire prêter aux citoyens le serment obligatoire'° § 2. Les grands corps de l'État. Dans toute la Grèce, on assermentait tous ceux qui recevaient une délégation du pouvoir souverain.Le sermentd'investiture était égalemen prêté par les grands corps de l'État et par les magistrats. ' Avant d'entrer dans l'assemblée politique et judiciaire des hèliastes, les Athéniens prêtaient un serment pour lequel nous renvoyons à l'article DIKASTAI (p. 188 et 190191). Mais les conclusions de cetarticle ont été confirmées sur un point, infirmées sur un autre, par des documents nouveaux. La IIoXtTaiz d'Aristote" est venue expliquer comment « tous les Athéniens prêtaient publiquement le serment des hèliastes », puisqu'ils étaient tous virtuellement hèliastes. Mais les études épigraphiques ont modifié les idées sur la valeur de la formule conservée dans le Discours contre Timocrate 18. On ne peut plus la rejeter comme apocryphe19, et, si l'on essaie20 de reconstituer la formule authentique, on est obligé d'y faire entrer à peu près tout le contenu du texte traditionnel. Voici donc l'ôaxoç 7),taaT071v, avec un engagement qui en a disparu et sans une glose qu'un scribe y a insérée arbitrairement : « Je voterai selon les lois21 et les décrets du peuple athénien et du conseil des Cinq-Cents'' [et, dans les cas non prévus par les lois, selon l'opinion la plus juste, sans faveur et sans haine] 23. Je ne voterai 24 ni pour un tyran ni pour une oligarchie, et, si l'on attaque le pouvoir du peuple athénien si l'on parle ou si l'on fait voter à l'encontre, je n'y consentirai pas 2G. Je ne serai ni pour une abolition de dettes particulières ni pour un partage des terres et des maisons des Athéniens 27. Je ne rappellerai pas les bannis ni les condamnés à mort, et je ne prononcerai pas contre ceux qui demeurent dans le pays un bannissement contraire aux lois établies et aux décrets du peuple athénien et du conseil 28 : je ne le ferai pas moi-même et empêcherai tout autre de le faire. Je n'instituerai aucun fonctionnaire qui soit encore comptable pont' une autre fonction, ni les neuf archontes ni le hiéromnèmon ni les fonctionnaires tirés au sort le même jour que les neuf archontes, ni héraut ni ambassadeur ni synèdre 2 9 . J e ne confierai pas deux fois la même fonction à la même personne, ni deux fonctions à la même personne dans la même année 30. Je ne recevrai pas de présents à titre d'hèliaste, ni moi ni un autre pour moi, homme ou femme, à ma connaissance, sans simulation ni manoeuvre quelconque 31. Je ne suis pas âgé de moins JUS -776 JUS de trente ans 1. J'écouterai l'accusateur et l'accusé avec la même impartialité 2, et je ferai porter mon vote 3 sur l'objet précis de la poursuite. Je le jure par Zeus, Poseidôn, Dèmèter5. Si je me parjure, que je périsse, moi et ma maison; si je suis fidèle à mon serment, puissé-je prospérer! ». Tel est le serment ordinaire des hèliastes, auive siècle 7. ➢lais en plusieurs occasions on y adjoignit d'autres engagements. En i46/5, les hèliastes jurent de maintenir aux Chalcidiens les libertés civiles qui leur ont été reconnues par traité'. En 403, ils prêtent un serment d'amnistie, dont on a cces quelques mots : Iïai ci I~vrictxax, aui oi k â)énco conservé rv .at 9. Ces serments supplémentaires se distinguent nettement du serment d'investiture : ils sont imposés aux hèliastes par un acte bilatéral '0. Le conseil [BOULÉ], autre émanation du peuple souverain, est également assermenté. Celui d'Athènes, créé par Solon, s'engagea par un serment commun à maintenir les nouvelles lois" ; mais il cessa de fonctionner durant la tyrannie des Pisistratides. Huit ans après la réforme de Clisthène, en 501, fut instituée par les Cinq-Cents la formule de serment qui était encore en vigueur au temps d'Aristote ". Des fragments assez nombreux permettent d'affirmer que le (3ouneurlr0ç ôrrcç rappelait d'un mot chaque attribution de la 1° 11 commençait par un engagement d'agir dans le conseil « conformément aux va(wv" ou T 7r0ÂEt) 15. Ce début est à peu près celui du serment prêté par les bouleutes d'Érythrées et de Cher 7tDEt xul tio),(Tat;". 2° 11 continuait 18 par un engagement de garder le secret sur les affaires d'État (ob Tâ7d~ or1Ta le serment de Chersonèse : Kat cix ÉyYEÇOUUOrsw Twv â7o7 ad),ty [3i,i7TEty 21 3° 11 renfermait un engagement de respecter la liberté individuelle. Voici cet habeas corpus du droit athénien : « Je n'emprisonnerai aucun Athénien appartenant à la même classe de contribuables, sauf le cas de condamnation pour trahison entiers la cité ou conspiration contre la démocratie ou encore le cas de versement non fait par un fermier, une caution ou un receveur 22 » 4° Enfin, venait un engagement de procéder à la docimasie des bouleutes et des archontes (âT.opIvii'v A la formule ordinaire s'ajoutèrent plusieurs fois et pour un temps plus ou moins long certains engagements spéciaux. Les Cinq-Cents furent probablement les premiers à prononcer le serment formulé par le décret de Dèmophantos. En effet, l'entrée en vigueur de ce décret est marquée par l'entrée en charge du conseil. D'autre part, nous savons par Philochore que, précisément cette année, le serment du conseil fut remanié. On y inséra un engagement nouveau, qui subsista longtemps, celui de respecter le règlement intérieur du conseil, d'occuper la place assignée à chacun par le sort (rx0 imT'xt év Tip YF7N U-xTtdrxvaz~wsrl)31 addition remarquable fut faiteaprès la. pacification de 403. Elle est mentionnée en ces termes : « Je n'accepterai ni dénonciation ni prise de corps pour tout acte du passé, sinon pour rupture de ban » (xxi oû En dehors d'Athènes, nos documents mentionnent rarement le serinent des bouleutes. Cela ne signifie pas qu'il Mt rare. On en trouve peut-être la trace dans une inscription de Syracuse 26. Les vs:,'ovTEç de Sparte, à qui Plutarque 27 attribue un serment exceptionnel de fidélité à la constitution, devaient prêter réellement le serinent d'investiture devant les divinités i.ii ui)(iot 28. A Itanos et à Chersonèse, la formule du serinent civique renferme 11n paragraphe sur les devoirs qu'on aura. éventuellement à remplir comme bouleute. C'est que dans les petites villes on ne prête peut-être pas un serment spécial avant d'entrer au conseil. Dans les cités de la première confédération athénienne, le serment des bouleutes est fixé par un accord avec Athènes et prêté par le conseil désigné devant le conseil en charge20. Serment d'investiture en même temps que d'alliance fédérale : on promet d'abord d'agir en toute loyauté et justice, non seulement envers les concitoyen;(, comme à l'ordinaire, mais envers les Athéniens et les confédérés, puis de ne pas faire défection et de ne consentir ni à un rappel de bannis ni à un bannissement sans la ratification d'Athènes 30. Dans l'exercice de leurs fonctions, les bouleutes avaient encore de fréquentes occasions de prêter serment. De concert avec certains magistrats, ils juraient au nom du peuple d'observer les ti' étés [voir FOLDI;s, p. 12081. Pour Athènes et la confédération athénienne, les exemples sont innombrables 31 ; ils ne manquent pas pour Sparte 32 et JUS 757 JUS autres villes du Péloponèse'. Un cas remarquable, c'est celui où le conseil est tenu par un acte bilatéral de jurer en son nom propre et en raison de ses attributions constitutionnelles. Ce cas se présente dans deux documents aussi différents que possible. Le premier est un passage de l'Iliade 2 : il y est question d'un arrangement aux termes duquel les Troyens partageront leurs richesses avec les Grecs et feront jurer à leurs ylFov7Eç d'empêcher toute simulation de biens. Le second, c'est le règlement intervenu en iii6/5 entre Athènes et Chalcis 3 : les Cinq-Cents doivent, conjointement. avec les hèliastes 4, s'engager à ne pas violer durant leurs fonctions les garanties octroyées aux Chalcidiens ". 3. Les magistrats. La caution religieuse demandée à de véritables assemblées était naturellement exigée des magistrats. Les archontes athéniens prêtaient déjà serment entre les mains des rois : la formule séculaire en laquelle ils juraient à l'époque d'Aristote 6 mentionnait encore le nom du roi Akastos, et la peine de l'archonte parjure remontait à des temps oit l'on ignorait l'usage de la monnaie La IIodrrs(a 8 donne sur la cérémonie de la prestation des renseignements précis. Après la docimasie, les archontes s'avancent vers la pierre sacrée. Ils y montent et jurent « de gouverner en toute justice et suivant les lois, de ne pas recevoir de présents pour les actes de leur gestion, ou, s'ils en ont revu, de vouer aux dieux une statue en or9 ». De là, ils se rendent à l'Acropole, pour renouveler leur serment, et alors seulement ils entrent en fonctions. Connue les archontes, les stratèges juraient de ne pas se laisser corrompre70. A cette garantie morale ils en joignaient une technique : ils s'engageaient à « enrôler les hommes qui n'avaient pas encore fait campagne" ». En 13l, Charinos, avec l'appui de Périclès, fit insérer dans la formule l'obligation de faire dans l'année deux excursions en Mégaridel2. Cette addition n'a pas survécu aux circonstances qui l'ont produite : peut-être l'occupation de Mégare par les Athéniens, en LM, y a-t-elle fait renoncer 13. Les stratèges prêtaient le serment p.ETxÿ)i Toû iiouç xai T71ç tip 7rl r,ç''", entre la, statue d'Athèna Polias et la table sacrée aux branches de myrte, sur l'Acropole. Les formules traditionnelles ne pouvaient convenir au régime oligarchique des Quatre-Cents : ils rédigèrent une formule nouvelle à l'usage des magistrats (411) 16• En ces temps de révolution, le serment était une précaution habituelle contre les trahisons des fonctionnaires. On venait d'assermenter les 7spd5ouaot chargés de préparer une constitution 16 et les commissaires chargés de recruter les Cinq bulle 1 i. Sous l'archontat d'Euclide, le gouvernement démocratique assermenta les cinq cents nomothètes nommés par les dèmes pour procéder avec le conseil à la revision générale des lois 18. Ainsi les magistrats extraordinaires prêtaient serment comme les autres. Toutes les cités grecques appliquaient la même règle. Quelquefois le serinent civique suffisait, parce qu'il prévoyait le cas oit l'on serait appelé aux charges publi ques'9. Mais, en général, il fallait un serment spécia d'investiture. Vieille tradition, qui explique en partie le serment des rois à Sparte, sinon en Épire, et fait remonter celui du j3x.it),EÛç athénien à la période de la royauté. Une inscription 20 dit formellement qu'à Delphes tous les collèges de magistrats étaient assermentés. L'exemple le plus fameux est fourni par un décret mutilé de 38021 : « Je prononcerai les sentences d'après l'opinion la plus juste... Je ferai rentrer les amendes prononcées, autant qu'il sera en mon pouvoir... Je ne soustrairai aucune part des biens ampbictioniques... Je ne donnerai à nul autre quoi que ce soit des biens communs... Quant aux inscriptions sur le. registre, je n'en ferai que sur l'ordre des hiéromnèmons... Je ne recevrai jamais de présents. Je le promets et le jure, etc. ». Ce serinent est prêté probablement par les pylagores, puis, entre les mains des pylagores, par les hiéromnèmons [IIIEBOIIINEMONES, p. 176] et des hérauts. Il n'est pas jusqu'aux épimélètes chargés d'admi nistrer à Delphes un fonds spécial [EPIDIELLTAI, p. 675 qui ne soient astreints au serment « comme les autres corps de fonctionnaires 22 ». A IEnos, le directeur de l'enregistrement est assermenté 23. Les principaux magistrats d'lulis jurent « de remplir leur charge en tout bien tout honneur 24 ». Ceux de Mitylène prêtent encore serment, semble-t-il, à l'époque d'Auguste 25. L'obligation du serment est attachée même à des fonctions temporaires. A 'féos, trois nomographes jurent « d'inscrire les lois qu'ils jugeront les meilleures et les plus utiles à la cité26 ». A Zéleia, neuf commissaires enquêteurs jurent « de rechercher quiconque occupe une terre du domaine public et de l'estimer à sa valeur exacte en toute loyauté, justice et conscience ». Trois d'entre eux, tirés au sort et chargés d'ester en justice au nom du collège, prêtent un second serment comme synègores 2i. Le serinent ordinaire des magistrats s'allonge parfois d'engagements nouveaux imposés par une convention bilatérale. Le cosme de Praisos jure, à l'entrée en charge, de faire respecter les droits reconnus aux Stèlites28. Encore reste-t-on là dans la catégorie des serments promissoires. Ce qui est plus curieux, c'est le serment déclaratoire déféré à des fonctionnaires. Quand Smyrne étendit son droit de cité à Magnésie, les greffiers militaires en charge et des recenseurs civils nommés exprès dressèrent la liste des nouveaux citoyens; en remettant leur travail aux contrôleurs, ils jurèrent « qu'ils avaient établi le rôle de leur mieux L9 ». Jamais en Grèce les véritables magistrats («exovTEç) n'ont prêté serinent à leur sortie de charge. Si ce serment libératoire a parfois été prêté en pays grec 30, c'est toujours par des épimélètes chargés d'administrer des institutions d'origine privée et surtout de caractère religieux. Les épimélètes préposés aux intérêts d'un oracle à Dèmètrias S' ne sont pas plus des magistrats que certains épimélètes de Calauria, gérants de fondations pieuses 32, ou que ces épimélètes qui, après avoir fait reconstruire JUS 754 JUS l'église dans une ville syrienne au vie siècle, jurent par la Sainte Trinité n'avoir pas « pêché » en eau trouble', 11 est très naturel que les uns et les autres, à huit ou neuf siècles d'intervalle, aient prêté serment pour obtenir décharge. Les magistrats, au contraire, ne paraissent pas être assujettis à cette formalité au moment de rendre leurs comptes. Puisqu'on s'engage devant les dieux pour les fonctions civiles, à plus forte raison le fait-on pour les fonctions sacrées 2. Les Ampbictions et leurs acolytes en sont déjà un exemple. Peut-être faut-il attribuer à des hiéropes le serment conservé dans un décret de dème athénien 3. En tout cas, l'inscription sur les mystères d'Andania donne des renseignements complets sur ce genre de serment : « Que le greffier des synèdres assermente les hiéroi immédiatement après leur nomination, sauf excuse pour cause de maladie, tandis que devant les victimes embrasées ils feront des libations de sang et de vin. Ci-dessous la formule du serment : « Je jure, par les dieux à qui sont « consacrés les mystères, de veiller à ce que tout se fasse • selon le rite, comme il convient aux dieux et comme le « veut la loi stricte, de ne commettre moi-même ni per« mettre à autrui ni indécence ni illégalité qui puisse trou« bler les mystères, mais de me conformer aux prescrip « fions et d'astreindre les hiérai et le prêtre au serment « selon la formule. Si je tiens ce serment, que j'aie le sort « des hommes pieux, et le contraire, si je me parjure! » Quiconque refusera de jurer paiera une amende de mille drachmes et sera remplacé... Que les hiérai prêtent serment entre les mains du prêtre et des hiéroi, dans le temple d'Apollon Karneios, la veille des mystères, selon la même formule, à laquelle elles ajouteront cette déclaration : « J'ai toujours vécu avec mon mari selon les lois « divines et humaines ». Celle qui refusera de jurer sera condamnée par les hiéroi à une amende de mille drachmes et déclarée incapable d'accomplir les formalités des offrandes ou de participer aux mystères ; celles qui auront juré accompliront les offrandes4. » Cette formule, commune au prêtre, aux hiéroi et aux hiérai, est encore imposée aux administrateurs des mystères °. Mais le gynéconome, aux attributions toutes spéciales [c, NAEKONOitol, p. 1713], doit prêter devant les hiéroi un serment différent, par où il s'engage à « surveiller l'habillement des femmes 6 ». Partout, comme à Andania, les femmes étaient soumises à la même obligation que les hommes. Cos assermentait les prêtresses de Dèmèter7. A Athènes, les yEpapa( attachées au service de Dionsos DIONYSIA, p. 238 prêtaient serment à la femme du roi, assistée du héraut, avant de toucher aux objets sacrés 6. La formule de ce serment devait rester secrète. Du moins, on n'osait en citer que la partie déclaratoire, qu'un lexicographe a restituée en ces mots9 : « Je suis chaste, pure et immaculée, exempte de toute souillure, y compris le contact de l'homme; je célè bre les Théeenia et les lobacchia en l'honneur de Dionysos, suivant les rites des ancêtres, aux temps marqués.» § T. Cas particuliers. Si le citoyen désigné pour une charge devait prêter serment pour l'exercer, il ne pouvait s'en faire dispenser que par une excuse fournie sous la foi du serment, une Érçwltoaia 10. Un passage d'Aristote" donne à supposer que les constitutions aristocratiques poussaient à un large emploi de l'Ei wh.oafa : la faculté de se soustraire aux magistratures, exercées gratuitement, était habilement accordée à ceux qui n'avaient pas le cens, mais refusée aux censitaires, qui possédaient ainsi en fait le monopole des fonctions publiques. Les cités démocratiques admettaient l'É;wh.oa.a pour les hissions et privilèges onéreux, pour les liturgies. A Athènes le cas le mieux connu est celui des r.pi-aAsi, envoyés à l'étranger. L'Ezwp.oa(a devait se faire devant, l'assemblée 13 : seul le peuple pouvait révoquer un ordre donné par le peuple. II fallait un motif valable. Démosthène ne put refuser son concours à la deuxième ambassade envoyée auprès de Philippe ; ne voulant pas faire partie de la troisième, pour ne pas servir une politique qu'il désapprouvait, il excita un violent tumulte, et dut décliner une nouvelle sommation par un nouveau serment 14. Eschine, refusant de partir sous prétexte de maladie, fut obligé d'envoyer, jurer à sa place son frère, accompagné d'un médecin '. Toutes pièces concernant l'(ou.or(aétaientconservéesauMètrôon1".Dansles petites villes, quand il s'agissait d'entreprendre un voyage long et coûteux, on était tout prêt à se récuser. Un décret de Lampsaque loue un citoyen d'avoir accepté une mission à Massilie, à nome et à Corinthe, quand d'autres l'avaient déclinée en alléguant dans leur serment leur situation de fortune17. L'E;wt,os(a était encore usitée dans le recrutement de la cavalerie athénienne. Étaient rayés des catalogues, à condition de prêter serment : 1° les cavaliers qui déclaraient au conseil n'être plus en état de servir à cheval; 2° les citoyens qui, désignés par les xata),o),Eiç, déclaraient être impropres au service '8, Enfin, par l'l;wp.oa(a on se dérobait à certaines exigences du lise. Est-ce en cette circonstance qu'on voit un Athénien affirmer avec serment devant le peuple qu'il n'a pas de ressources suffisantes pour sa vieillesse 19? En tout cas, à Iulis, ad ive siècle, les débiteurs du trésor qui ne s'éta,.ient pas acquittés aux échéances fixées devaient se justifier devant le peuple sous la foi du serment20. Le citoyen qui voulait intenter une 'part riapavip.wv annonçait sa résolution dans l'assemblée sous la foi du serment. Cette déclaration s'appelait û7wN.o6(a21. Elle était à tel point indispensable qu'ûaoh.drasat équivaut à yp,4EaOat 'naavduwv 22, L'irawi.ors(a, institution plus politique que juridique, empêchait de passer au vote sur une proposition ou, si le vote était acquis, en suspendait les effets jusqu'après jugement de la ypatp'ri 7rapavp.wv. Elle pouvait être opposée à une loi devant les nomothètes; JUS mais alors elle ne faisait plus office de veto suspensif' il fallait ou poser la question préalable pour vice de forme, ou attendre et attaquer une décision favorable des nomothètes' § 5. Les dèmes. Le serment était d'un fréquent usage dans la vie politique des dèmes, comme dans celle de la cité. L'État demandait le serment aux éphèbes ; la Tétrapolis 3, dans la plaine de Marathon, le demandait aux récipiendaires (.ol; âsi Eisiovtiaç) 4. Tous les ans, quand l'assemblée du dème procédait àl'inscription surie registre civique des Athéniens ayant atteint l'âge de dix-huit ans °, ou exceptionnellement, quand elle revisait le registre', les dèmotes juraient « de voter selon l'opinion la plus juste, sans faveur et sans haine 7 ». Ils juraient de rendre « l'arrêt le plus équitables », quand ils formaient un ôtxacirlptov ° pour exercer un arbitrage 1° ou juger en appel les magistrats comptables11. Le dèmarque, qui présidait, était « le maître du serinent12 » : il le recevait de chacun, après le sacrifice 13, au fur et à mesure qu'il distribuait les bulletins de vote. Les magistrats des dèmes étaient aussi astreints au serment". Le dèmarque assermentait avant, la vérification des comptes l'euthyne et les logistes ", avec leurs assistants, synègores et commissaires élus". Un décret (le Myrrhinonte " contient un résumé des formules. L'euthyne doit dire : « le n'accepterai de présents, ni moi ni un autre pour moi, homme ou femme, à ma connaissance, sans simulation ni manoeuvre quelconque. S'il m'apparaît que le comptable soit eh faute, je le redresserai et j'estimerai en toute conscience le montant de la faute. ». Le logiste doit dire : « Je vérifierai en toute conscience le compte des dépenses » ; les synègores « le soutiendrai les intérêts du dème en toute justice et voterai en toute conscience et justice ». D'autres magistrats's jurent dans le dème des Skambonides : « Je sauvegarderai les intérêts de la communauté et je verserai à l'euthyne son dfi. » De simples citoyens chargés par un dème de soutenir l'accusation devant les hèliastes en cas d'ipiQts sont tenus de jurer qu'ils n'ont reçu ni ne recevront de présents 19. Enfin, en conférant à leurs magistrats des attributions spéciales, les dèmes leur imposaient des serments spéciaux. Dans un décret relatif au droit de pâture, un dèmarque doit s'engager à ne rien recevoir, pas même par personnes interposées, et à dresser procèsverbal pour toute contravention"0. Le droit de prononcer sur la vie et la fortune des autres hommes était regardé par les Grecs comme d'origine divine. Il fallait l'emprunter aux dieux etise déclarer responsable devant eux de l'usage qu'on allait en faire. 759 JUS a Le serment, cet acte solennel et religieux, qui établissait entre l'homme et Dieu un plus étroit rapport, était nécessaire pour constituer le juge, pour le tirer de la foule et l'élever au-dessus d'elle, pour lui donner le prestige, pour forcer ceux-là mêmes que ses décisions mécontenteraient à s'incliner devant elles avec un involontaire respect 21. » Même dans le roman de l'Atlantis, Platon, pour se figurer les vieux rois réunis en une cour de justice, les fait jurer sur une table qui porte, outre les lois, une formule de serment et d'imprécation Cette nécessité de donner à la sentence du juge une garantie céleste se manifesta sous deux formes différentes. A l'origine, le juge est un simple arbitre, même lorsqu'il est roi. Il dirige la procédure, il propose une transaction ; c'est seulement quand la procédure ne mène à rien et que toute transaction est rejetée qu'il prononce une sentence coisacrée par un serment. Ce serment-là est à effets limités : il ne vaut que pour l'espèce. Mais lorsque la justice sociale s'est constituée fortement, en son nom sont installés des juges attitrés qui ont reçu leur pouvoir des dieux par la prestation d'un serment. Pour être investis une fois pour toutes de l'autorité judiciaire, ils jurent une fois pour toutes. Ce serment-là vaut pour tous les jugements à rendre : c'est un serment d'investiture à effets illimités. Platon distingue nettement le serment spécial qu'on devrait administrer au juge « au moment où il va juger 2,1 » et le serment général qu'il prête réellement pour promettre d'obéir aux lois". A l'époque héroïque, dit Aristote", les rois « jugeaient tantôt sans serinent., tantôt avec serinent ». Dans le premier cas, ils empruntaient une procédure conforme à la coutume; dans le second, ils certifiaient l'origine et la valeur de la Oip.1; inspirée par Zeus. Ces vieilles pratiques se retrouvent dans la loi de Gortyne2". Le juge y doit juger (âtxaiiicv) conformément aux dépositions des témoins ou au serment de la partie dans des cas limitativement déterminés ; dans tout autre cas, il doit statuer comme juré (b)J.vuvtia xplvev), c'est-à-dire fournir la preuve et corroborer l'arrêt par son serment". Même dans les cas oit les preuves ordinaires sont préférées, si elles n'existent pas dans les faits de la cause ou sont insuffisantes, le juge les remplace encore par son serment "s. Ces exemples éclairent d'une vive lumière le serment des diaetètes ou arbitres athéniens. Aristote 29 dit formellement que les diaetètes publics jurent avant de prononcer leur décision. Ils ne se distinguent donc pas sur ce point des arbitres privés. Les uns et les autres, s'ils ne peuvent faire accepter aux parties une transaction, au moment de rendre une sentence en forme, ont besoin d'un serment JUS 760 JUS polir lui donner force exécutoire' [DIAETI:TAI, p. 129]. Mais les diaetètes publics sont tenus de, jurer sur la pierre des serments 2, tandis qu'un autel quelconque suffit pour les arbitres privés 3. D'autre part, le serment des diaetètes publics ne ferme pas toute voie de recours à une juridiction supérieure, tandis que le serment des arbitres privés convertit ces compositeurs amiables en juges dont la décision est sans appel [DIALTÈTAI, p. 129-130]. Dans ce dernier cas, le principe est celui qu'expriment claire ment certains contrats de Delphes : ôTt SÉ xx oûTOt Xp(vt»VTt dudam i;, -roüto xûptov Ërroo 1. On ne connaît pas la teneur du serment prêté par les arbitres. On sait seulement qu'une assemblée de dèmotes appelée à exercer un arbitrage jure de s'en acquitter « le plus justement possible » et que Platon 6 demande aux juges criminels de ne pas déposer leur suffrage sans avoir juré Ei; ôûva. ts Les magistrats de l'époque classique ont eu souvent à prêter serment à la facon des rois homériques. C'est que la garantie donnée par le serment d'investiture ne s'étend pas à des actes imprévus. Le magistrat qui doit agir exceptionnellement en qualité de juge ou d'arbitre ne saurait être dispensé du serinent judiciaire : il faut à l'État des sûretés nouvelles, de même qu'aux particuliers dont les intérêts vont être en jeu. Ainsi, dans nos inscriptions, les polianomes d'llèraclée et les citoyens qu'ils s'adjoignent sont requis de jurer, avant d'examiner si les preneurs de terrains publics ont fait les plantations stipulées'; les xap7zoôa'tarat de Gortyne, avant de porter une condamnation pour dissimulation de biens dans un partage 3 ; les naopes de Zeus Basileus à Lébadée, avant de statuer sur les constatations pouvant résulter d'un contrat d'entreprise° ; les €7rtE,.r,'no de Lampsaque, avant de faire un recensement10; les prostates de Cos" et un magistrat de Delphes 12, avant de procéder à l'examen et à l'estimation des victimes. Il est donc admis, depuis les temps les plus lointains jusqu'à laplus basse époque del'antiquité grecque, que tout homme appelé à x9(vuty, à statuer sur une espèce non prévue par une disposition expresse de la loi, doit sanctifier sa décision par un serment. C'est le serment d'investiture que prêtent les juges ordinaires dans la période classique. On connaît celui des hèliastes. A en croire les orateurs, il n'a pas laissé d'influer sur la conscience de ces jurés : continuellement les plaideurs le rappellent i3 pour montrer que les juges ont un intérêt personnel à éclairer leur religion, à prononcer selon la justice et la piété, à éviter qu'un jour leur serinent « ne s'attache à eux pour les torturer " ». Chaque fois que, dans l'histoire d'Athènes, siègent des tribunaux extraordinaires, ils sont assujettis à la même obligation que 1'Ilèliée. Après l'attentat de Cylon, les trois cents Eupatrides qui eurent à prononcer sur le sort des vayeï; furent assermentésf5. Lorsqu'une commission de quinze membres fut chargée, vers 352, de fixer par décisions judiciaires les bornes de l'iEp.t ôpy«;, elle jura « de voter sans faveur et sans haine, en toute justice et piété 16 » Partout l'exercice des fonctions judiciaires est soumis à la même condition. Les juges d'Égine jurent « de voter conformément aux lois"». Pour juger les tyrans, l'assemblée d'Érésos se constitue en tribunal, un tribunal de huit cent quatre-vingt-trois membres, par la prestation d'un serinent ainsi conçut : « Je jugerai ce procès, en tout ce qui est prévu par les lois, suivant les lois; en tout le reste, je n'efforcerai de juger le mieux et le plus justement qu'il sera possible. Si je condamne, je mesurerai ensuite la peine par un arrêt droit et juste. Ainsi ferai-je par Zeus et par Ilèlios !f3 » Bien plus tard, Mitylène joint le nom d'Auguste à celui des dieux nationaux dans la formule du serment judiciaire10. Les juges et même les assesseurs des tribunaux les plus spéciaux sont assermentés. Citons les onze juges chargés à Zéleia de statuer en matière de contentieux administratif 20 et les sept juges chargés à Gortyne d'assurer l'exécution d'une réforme monétaire L1. Un traité conclu au v° siècle entre Chaléion et OEanthè prévoit la nomination par les démiurges d'assesseurs jurés (pxop.drxs)22, et des assesseurs jurés doivent s'adjoindre, d'après une rhètra d'Élis, aux deux juges qui pacifieront Skillunte2'. Dans les arbitrages déférés par deux villes à une troisième ou à des particuliers choisis dans une troisième tPIIESIS, p. 41-6'n4,, les arbitres ne sont régulièrement constitués qu'après la prestation d'un serment solennel2l. Los règlements de procédure n'y font. pas toujours allusion, parce que l'arbitrage est quelquefois exercé par un tribunal ordinaire, astreint aux formalités ordinaires. Mais fréquemment ce serment est mentionné 2'. Dans des conflits entre Mitylène et Pitané2G, entre Kiérion et Métropolis27, entre Mégalopolis et Lacédémone28, les arbitres, particuliers ou bouleutes, statuèrent ' ôpxou. Les dixsept citoyens de Magnésie du Méandre chargés de régler un différend entre Itanos et ltiérapytna allèrent dans le temple d'Artémis Leucophyène, où ils devaient siéger sous la présidence du néocore, et là, en présence des parties adverses, montèrent à l'autel pour jurer sur les entrailles de la victime20. Sur la formule de ces serments, nous avons déjà un renseignement dans une inscription relative à un xotvoô(xtov établi par Eumène lI pour mettre d'accord Téos et une corporation dionysiaque : on devait jurer « de juger conformément aux lois, aux lettres des rois et aux décrets du peuple30 ». Mais le document le plus complet est 1la convention entre Cos et Calymna stipulant un arbitrage de Cnide 31. Deux cent quatre juges32 eurent à prêter entre les mains des stratèges le serment qui suit: Je jure par Zeus, par Apollon Lykeios et par la Terre de juger le litige défini dans les serments opposés des parties adverses selon l'opinion la plus juste, et de ne JUS 761 JUS point juger d'après un témoin, si son témoignage ne me paraît pas être la vérité. Je jure que je n'ai pas reçu de présents au sujet de ce procès, ni moi ni un autre pour moi, homme ou femme, ni par quelque détour que ce soit. Si je tiens parole, bonne chance pour moi; malheur à moi, si je me parjure 1 Comme les autres juges, ceux des concours et des jeux prêtaient serment avant de siéger. Dans le théâtre d'Athènes, ils juraient au moment de l'appel'. Cette investiture sacrée suffit, dans une occasion fameuse, la première didascalie de Sophocle, pour ériger légitimement, les stratèges en xp(T«t des luttes chorégiques2. Bien qu'il soit souvent parlé de cc serinent à Athènes 3, on n'en connaît pas la formule. On est mieux fixé sur celui que les Ilellanodikes prêtaient dès leur arrivée à Olympie, avant l'ouverture des fêtes. En présence des concurrents, Sur les chairs d'un verrat, ils juraient par Zeus IIorkios de rendre leurs décisions « en toute justice et sans accepter de présents », Le serment des juges, garantie de leur impartialité, avait une telle importance aux yeux des justiciables, que ceux dont la conscience n'était pas bien sûre d'elle-même manoeuvraient pour faire omettre par surprise les mots les plus redoutables de la formule ou les faisaient effacer sur la stèle. Les orateurs mentionnent plusieurs de ces attentats : Midias en commit un contre les juges des chorèges 5, et la coterie d'Euboulidès contre un tribunal de dèmotes G. 2. Les parties. Dès le début de l'instruction, les deux parties étaient tenues de prêter serment. Les lexicographes appellent le serment du demandeur TpowEi..oe(«, celui du défendeur vsw:.oe(« et cet échange de serments 4yw(1.oa(a, âp.y,topr.(«, ôtn or(«. Mais ces distinctions, voire quelques-uns de ces termes, ne sont pas autorisés. L'&vTwN.oriz est aussi bien le serinent du demandeur que celui du défendeur, et par iw,loe(« on entend l'un ou l'autre aussi bien que les deux [voir A31PHIORKIA ; A:VAIi1IISIS, p. 263; D1o~loslaj 7. En tout cas, le serment introductif d'instance est obligatoire. On ne peut ni arguer de textes positifs8 pour soutenir que la ôtwN.oe(a n'est pas toujours exigée, ni invoquer le manque de textes pour prétendre qu'elle n'est pas exigée du défendeur °. Logiquement, on ne comprendrait pas qu'elle ne fût pas imposée aux deux parties sans exception possible. Ce n'est point un serment promissoire à tendance morale ; c'est un serinent déclaratoire, n'est un acte de procédure analogue à la litis contestatio du droit romain, c'est une déclaration de guerre légale. Par ce serment, les adversaires lient partie. Ils déterminent ne varietur l'objet du débat, non seulement pour être engagés l'un envers l'autre et tous deux envers le juge, mais aussi pour que le juge soit engagé envers eux. L'origine de ce serment est expliquée parla scène judiciaire figurée dans l'Iliade10 sur le bouclier d'Achille : le demandeur V. déclare devant le peuple n'avoir pas reçu le prix du sang, le défendeur déclare qu'il a tout payé, et ils s'accordent pour porter le débat devant l'arbitre. Supposez la déclaration complétée par un serment : c'est l'vrwll.ocla. Loin de contraindre au parjure et de prouver, comme on l'a dit", que le peuple athénien n'était pas un Ilechtsvolk ; loin d'être une institution purement religieuse et destinée à substituer éventuellement la justice des dieux à la justice faillible des hommes"; loind'être, enfin, une corruption tardive du serment décisoire 13, le serinent introductif est un vestige de la procédure primitive, nettement marqué au coin des conceptions juridiques et dès le premier jour distinct du serment déféré à titre de preuve. Quand la justice de l'État n'était pas encore solidement organisée, un débat judiciaire devait, de toute nécessité, être précédé d'un contrat bilatéral, véritable règlement d'arbitrage confirmé par serment. Plus tard, cette procédure ne cessa pas de répondre à des besoins réels : elle servit à faire reconnaître la compétence des juges ou à créer celle des arbitres, et du même coup à préciser la position prise par chacune des parties. Sur ces deux points, le droit d'Athènes est éclairé par celui des t'ulves cités. Nous voyons qu'à Athènes les plaideurs qui recourent à l'arbitrage d'un dème « doivent porter serinent avant de se présenter au tribunal'' ». De même, à Sparte, un arbitre choisi par deux adversaires les fait jurer de s'en tenir à sa décision15. D'après une convention du ve siècle, dans les procès pendants entre les citoyens de deux villes, le serinent préalable semble qui institue Cnide arbitre entre Cos et Calymna rappelle que l'vTwuoe(« oblige à la fois les parties et les juges, lorsqu'il fait jurer à ceux-ci : ôtr.«rrUw -Epl (lai Toi «vTè3txai v're'l.,oe«v 17. Nous voyons encore qu'à Athènes l'&vrmN,o ria est inséparable de toute action en justice, puisque la pièce où sont inscrites les prétentions d'une partie s'appelle vTwp.o5'(a18 et que, même dans les contestations où il n'y avait proprement ni demandeur ni défendeur, l'vTwu.ae(« n'en estpas moins exigée et liée à l'vrt^(pa li 19. C'est donc que tout plaideur est tenu d'indiquer par avance et sous la foi du serment comment il présente les faits de la cause et dans quel sens il entend agir. De rnême, à Naupacte, dans les procès en prévarication, l'accusateur et l'accusé doivent tdp.ocat L0. Une seule formule d'9Tw(1.oc(« nous est connue. Elle se trouve dans la loi de Gortyne sur la saisie illégale. Avant que le procès s'engage (7rpty p.o%EOOxi Tv (Y.«v), doit être prononcé ce serment : « La saisie a été faite sans intention de nuire et légalement, mais sans atteindre la personne contre qui elle était dirigée 21 » Le serment de la partie plaignante renfermait-il l'engagement de ne pas renoncer à la poursuite? Était-ce un serment de prosequenda lite? Cette hypothèse22 ne pd repose que sur des textes mal interprétés 1. Il ne faut pas confondre le serment prêté librement devant l'assemblée par une personne qui s'engage à intenter une action avec le serment prêté obligatoirement par le demandeur devant la juridiction compétente. Le dernier seul est une âvTwl.toc:a2. L'âvTwp.oeE«est donc un serinent purement déclaratoire. Mais certains lexicographes en font un serment promissoire, un serment de dire vérité. Harpocration 3 semble même en avoir conservé la formule dans ces mots : âVTOJµvoov oE ôtuSxov'Eç xai 01 pE6'O TE;, 91 pÈV ),v xxT7iyoor,rEt,l d'al âa,i©il âro1oy7icxcOxt. Il s'agit évidemment ici de procédure criminelle. Or, nous n'avons examiné jusqu'à présent l'âvTtnImi, que dans la procédure civile. Il est possible qu'elle ne soit pas la même devant les tribunaux de sang que devant les hèliastes et les diaetètes. L'invocation 4 et le sacrifice 5 étaient bien plus solennels devant l'Aréopage : pourquoi n'y aurait-il pas eu d'autres différences? Précisément un scoliaste attribue une twu.o eEx promissoire aux procès d'homicide : cpo'nx-i-iv 8txxd ..EVOt S(x7)v wp.vucv b T=r,ç ibxi;; ExâTEpot ai;Ety 6. Que vaut cette hypothèse? Si les orateurs ne font jamais allusion à l'engagement de dire vérité 7, on voit dans Antiphone que l'accusateur promettait de tirer tous ses arguments de la cause même (7) ÏX).« X«T fyOKG'SiV Eiç xU' V TÔV t9Gd'/OV, Wç ÉxtcVVE). On a trouvé dans ce texte un engagement de se conformer aux lois sévères de la procédure criminelle9. Mais partout ailleurs, au criminel aussi bien qu'au civil, la ôw~ or(a est donnée comme un serment déclaratoire portant sur les faits de la cause. « L'accusateur, dit Lysias 10, jure que son adversaire a commis le meurtre, et l'accusé qu'il n'a pas tué ( N.È.tt itdxwv dç'ixTEtvs ôto(l.vut«t, b Il tpEÛywv dç otix ËxTEnmV). » Voilà le schéma de la formule officielle ". On la variait selon le genre d'homicide et le tribunal compétent". Dans Antiphon lui-même, on lit : « Les accusateurs ont juré que j'ai commis le meurtre, ayant amené la mort par manoeuvre, et moi, que je n'ai tué ni de ma propre main ni par manoeuvre » (ôtwt.12exvto o'i ot 11.Ev â.TOxTEïv«( 1t.E (39vÀEÛCxvta Tiiv Oxvxtov, Éyvi Il ~Ti Ct :0Z7E%vt, E1.Ÿ)TE /ElpC Epyxe«ptEVoç fi,'~1TE ÇiouXts axç) 13. Il est aisé, après cela, de voir à l'aide de quel sophisme le rhéteur a pu transformer un serment déclaratoire et réel en un serment promissoire et imaginaire : d'une part, l'accusateur est tenu à une déclaration sur les faits de la cause (e h «tôv ' v pdvov, trç ÉxtrEtve); d'autre part, les lois du Palladion et de l'Aréopage défendent à l'accusation de sortir de la cause (Toi; vdELOu oi' ç Ézovto; Li; UTO TÔ T.payp.« X T7,yopELV 16' o'i vdn.tu.ôv h -C[9 lien Tm 7tp'N.xTOç ),Éyety 15); donc, en prêtant le serinent déclaratoire sur les faits de la cause, on admet les lois du tribunal dont elle relève, et l'on jure implicitement de respecter ces lois. Ainsi il ne reste en faveur d'une ôtwu.oe(« promissoire d'autres témoignages que ceux de deux ou trois grammairiens. Encore sont-ils contredits par d'autres grammairiens 16 et par tous les contemporains des institutions qu'ils prétendent décrire. Ils se sont laissé tromper par certains passages oit est traitée de parjure la partie convaincue d'avoir juré contre la v érité des faits 17. Ils ont tenu le raisonnement suivant : un homme est parjure pour n'avoir pas dit la vérité; c'est donc qu'il avait juré de la dire. En fin de compte, il faut négliger tous les textes de seconde main et conclure que la itwN.oe(x devant la juridiction criminelle est identique à l' nt,rmi.oe.« devant la juridiction civile. La seule différence, c'est que, dans le cas de l'homicide, l'offensé n'étant plus là, ses ayants droit doivent justifier de cette qualité : à la déclaration sur le fait d'homicide, l'accusateur joint une déclaration sur sa parenté avec le mort. Par l' cvTwµoe(«, le défenseur admet la compétence du tribunal saisi par le demandeur. Pour soulever l'exceptio fori, il doit opposer à la citation une =pxypxci'f confirmée par serment. Suidas 18 appelle ce serment i enp.oe(«. Le terme n'est pas usité en ce sens par les orateurs du Ive siècle. Est-ce le vocabulaire technique qui a changé, ou la confirmation par serment qui est tombée en désuétude? On n'en sait rien. Pour demander la remise à une séance ultérieure, la partie devait justifier d'une excuse suffisantels. Un ami, muni ou non de pleins pouvoirs, venait à l'audience pour prêter, avec motifs à l'appui, le serment dilatoire, l'u7 witi.oe(«20. La partie pouvait aussi solliciter la remise par une demande écrite ou 7:2F.n'xtis,i, accompagnée de l'û7tcou.oe(2L1. Ces pièces étaient adressées au tribunal le jour de la séance, ou au président avant ce jour22. Si la remise n'était pas prononcée et si la partie qui l'avait demandée ne comparaissait pas, elle était déboutée ou condamnée par contumace. Mais elle pouvait faire opposition par le recours T-iv 4't' AV uTt),«/EïV OH 09629 9'(V't'i)VG(ZE.'i'V 23. En ce cas, elle commençait encore par prêter un serment ; c'était à la fois une espèce d'âvtwpl.oc(« et un renouvellement de 1.'û7wV.or(x 2'". La procédure primitive, qui exige le serment introductif d'instance, emploie aussi le serment comme moyen de preuve. A l'origine 75, le serment probatoire et décisoire ne se distingue pas de l'ordalie ou jugement de Dieu: l'ordalie est un serinent en action; le serment, une JUS 763 JUS ordalie en parole Les Hellènes ont certainement pratiqué le jugement de Dieu'. Il arrivait encore à un Grec du ve siècle de demander à se justifier en traversant la flamme d'un bûcher ou en portant dans ses mains des fers rouges2. De tout temps, la prêtresse de Gaia, à 1Dgira d'Achaïe, prouvait sa fidélité conjugale en buvant du sang de taureau 3. A Palika, en Sicile, jaillissaient des sources sulfureuses dont nul n'approchait impunément qu'en état de pureté et d'innocence. On y amenait l'adversaire pour lui déférer le serment, et le parjure restait sur place. Dans les circonstances graves, la formule du serment était inscrite sur une tablette, qu'on jetait dans l'eau : elle ne revenait pas à la surface, lorsqu'elle portait un parjure. Sa perte entraînait celle du coupable : ce qui rappelle qu'avant l'emploi de l'écriture l'épreuve était subie par l'homme lui-même . Près de Tyana, en Cappadoce, il y avait une source d'eau chaude, appelée 'Ar r..~aiov et consacrée à Zeus Horkios : on en buvait l'eau en prêtant serment, et le parjure était atteint sur-le-champ d'un mal mystérieux A Éleusis, on se justifiait d'une accusation sur les bords de la fontaine sacrée de Callichoros 6. En Arcadie, on venait jurer à la source du Styx', et, quand les dieux prêtaient serment par cette eau infernale, ils en faisaient une libation, ils en buvaient peut-être, et, s'ils se parjuraient, ils tombaient en léthargie, seule mort possible des immortels 8. Une preuve aussi barbare que l'ordalie répugna de bonne heure aux Grecs. A cette idée morale, que la divinité protège le bon droit, ils aimaient mieux donner une autre expression juridique, le serment purgatoire. Ce serment sera déféré un jour par l'adversaire; au début, il est exigé par la Bɵtç des dieux, dont le juge est le portevoix. C'est le serment de Rhadamanthe', qui u finit tout vite et bien 10 ». Dans l'Iliade" , Ménélas défère le ser*ment à Antiloque. L'un lance son déli, non comme partie, mais comme roi et juge; l'autre jure comme défendeur. Tels sont les deux principes primitifs de la procédure sacramentaire. On les retrouve longtemps appliqués, aussi bien dans des actions au criminel12 que dans des revendications civiles 13. Dans presque tous les cas connus, l'accusé se parjure cyniquement ; dans tous, l'accusateur évincé reste convaincu de son bon droit. Quels inconvénients! Pour y remédier, les législateurs recherchèrent avec soin lequel des deux adversaires devait avoir un droit de préférence exclusive pour le serment ou, si on les faisait jurer tous les deux, lequel devait avoir un droit de priorité et être cru sur son serment. Le meilleur exemple de cette évolution est la loi de Gortyne'`. Le juge y doit juger d'après le serment de la partie dans des cas formellement déterminés lorsque la preuve ordinaire par témoignage est inapplicable ou insuffisante. Tantôt un seul des adversaires est obligé ou admis à prêter serment16 ; tantôt ils peuvent y être autorisés tous les deux, mais l'un est obligatoirement bpxuiccpoç ". Le plus souvent, le défendeur jure seul ou a l'avantage du serment privilégié. Le juge fait prêter le serinent purgatoire (cc-oEcôaxt) à la femme divorcée, sur l'accusation de détournement ou sur toute autre réclamation 18, et au commerçant qui nie une obligation envers un participant". Le demandeur prête le serment décisoire (ô!.t.6r2t) quand il fait renouveler un titre de créance à la mort du débiteur 20, ou qu'il demande réparation d'un adultère en se défendant d'avoir attiré l'offenseur dans un guet-apens 21. L'avantage du serment privilégié appartient à la défense, quand une femme est accusée de n'avoir pas fait faire la présentation légale de l'enfant né après divorce22, ou quand un juge est accusé d'avoir outrepassé les délais légaux du jugement23. Il appartient à la demande, quand une esclave domestique se plaint d'avoir été violée par son maître2" ou quand le propriétaire d'une bête tuée ou estropiée fonde sa revendication sur la présentation légale faite à son adversaire". La règle, d'où l'on ne s'écarte que dans des circonstances spéciales, c'est encore la prestation du serment par le défendeur De plus, le serment purgatoire se suffit à lui seul, tandis que le demandeur dans tous les cas et même le défendeur simplement bpxtw-rmpoç doivent faire confirmer leur serment par ceux de cojureurs ou de témoins instrumentaires. Une seule exception, c'est le cas où l'esclave domestique poursuit son maître ; mais là il ne peut y avoir ni co,juration, vu la personne, ni témoin instrumentaire, vu l'état de cause 26. Tout cela rappelle le passé ; ce qui annonce l'avenir, c'est que, dans le procès entre participants, le serment purgatoire est déféré au défendeur sur sommation du demandeur. A cette période intermédiaire se rattachent d'autres documents, dont aucun ne vient d'Athènes. Des disciples de Pythagore n'auraient eu qu'à jurer pour s'éviter une amende 27 : ils se trouvaient donc, comme défendeurs, dans le cas de prêter un serment libératoire. Dans une loi d'Halicarnasse 28 datant du ve siècle et rendue après des troubles civils, un délai de dix-huit mois est imparti aux bannis pour exercer des revendications immobilières. Durant ce délai, les présomptions sont en leur faveur : les juges doivent donc, par dérogation au droit commun, faire prêter le serment de droit commun au demandeur et faire confirmer ce serment par une déclaration conforme des mnémons. Mais, passé ce délai, le détenteur d'un bien contesté en est le propriétaire présumé : en cas de contestation, c'est lui, le défendeur, qui est appelé à jurer, conformément au droit commun, et ce serment, que lés juges doivent exiger immédiatement après avoir touché leur salaire, en présence de la partie adverse, est décisoire par lui seul. Il est intéressant de rapprocher de ces textes les lois fiscales de Ptolémée JUS 767k JUS Philadelphe. On y voit, par exemple, les employés de la régie de l'huile requis de justifier certains actes de leur gestion sous la foi du serment'. Dans le droit des gens et dans les règlements des associations privées, on retrouve le serment des parties, comme dans les législations encore rudimentaires. Un traité conclu entre Athènes et Lacédémone stipule que tous différends qui pourront surgir seront aplanis par les voies de droit et les serments, xa(gl x«I xotç 2. Lorsque les Argiens demandèrent à Épidaure d'offrir un sacrifice qu'elle ne croyait pas dû, il fut convenu que le serment serait déféré, par priorité, à la ville accusée et, en cas de refus, à la ville accusatrice3. Pareillement, dans la loi des Labyades à Delphes 4, tout membre de la phratrie qui conteste la légitimité d'une amende en est tenu quitte, s'il se justifie sous la foi du serment solennel. Cette loi formule le principe même du serinent purga La législation athénienne fit faire au serment des parties un dernier progrès : Solon ne laissa plus de place au serment décisoire. I] faut que les témoignages et les pièces fassent absolument défaut, pour qu'il y ait lieu de recourir au serment. Mais la loi ne fait jurer personne; elle laisse jurer qui veut, et commet aux juges le soin d'apprécier à titre de ôoS«6'Ta! « qui a bien juré » (746TEpoç ciopxei) 5. Une comparaison s'impose entre cette procédure et la legis actio sacramenti 6. On est loin du serment déféré par le juge et proclamé décisoire. En réalité, la sentence se fonde, non sur le serinent de la partie, mais sur la conviction du juge. Les parties offrent ou défèrent le serinent 7 par voie de 7cpcix),rict; °, à leurs risques et périls. On peut du même coup mettre son adversaire en demeure de jurer et lui offrir de jurer soi-même, soit pour le forcer à choisir, soit pour opposer la valeur des deux serments prêtés 0. Il arrive aussi que deux provocations se croisent, l'une et l'autre sans effet i0. Les rhéteurs ont porté à la perfection l'art d'arguer d'un serment offert ou déféré, accepté ou refusé de part ou d'autre 11. En général, on peut, sans se faire tort, décliner une offre de serment faite par l'adversaire 12 ; mais le refus d'un serment déféré équivaut à un aveu 13, et, pour l'éviter, on relève le défi, à moins de riposter par un défi réciproque'''. Celui qui s'engage à prêter serment dépose quelquefois un cautionnement (rtôtxr.0Er02t) 15. Bref, la loi laisse toute liberté d'action aux plaideurs16, toute liberté d'appréciation aux juges. Il est cependant des cas exceptionnels oà le serment de la partie est décisoire en fait, parce que toute autre solution serait manifestement injuste. La cérémonie de la prestation est alors d'une solennité inaccoutumée 17, et l'adversaire qui dicte la formule du serment 18 veille avec soin à ce qu'elle ne laisse place à aucune arrière-pensée. Ainsi, dans la revendication d'un dépôt confié sans garantie formelle, le serment du défendeur fait foi10. Cette disposition existe dans toutes les législations de la Grèce20. Encore le droit attique laisse-t-il la sommation partir du demandeur 21 et ne s'en remet-il pas uniquement à la justice divine du soin de venger le parjure, puisqu'il ouvre au demandeur mieux armé une voie d'opposition, la ifiç 7rapaxxTxO-@r,ç22. Au cas ofi l'héritier est poursuivi pour faits imputés au défunt, il faut bien, faute d'autres éléments d'information, qu'il se justifie par le juramentum ignorantiae; mais son adversaire a le droit de ne pas consentir au serinent offert, quitte à subir les conséquences de son refus 23. Même dans ces cas exceptionnels 24, le droit attique reste donc fidèle à ses principes. Il accorde au serment des parties le moins d'importance possible. Ce serment, Solon ne fa laissé subsister que pour ne pas rompre brusquement avec les institutions juridiques du passé et ne pas heurter violemment les Athéniens dans les habitudes de leur vie privée 23. La procédure spéciale de l'ANTIDOSIS présente l'exemple curieux d'un double serment prêté obligatoirement par les deux adversaires n. Après l'apposition des scellés, ils se donnaient rendez-vous dans un sanctuaire, pour y jurer de dresser dans les trois jours un fidèle et loyal inventaire de leurs biens 27. Ce premier serment était donc promissoire, à la façon de celui que les YÉpovTEç doivent prêter, dans l'Iliade, avant d'établir l'état général des fortunes troyennes. En déposant l'inventaire, les adversaires y ajoutaient un second serment (7tpomop.vûity) qui, aux termes de la loi, commençait ainsi : « Cette déclaration de ma fortune est fidèle et loyale 28 ». Cette fois, c'était un serinent déclaratoire, à la manière de celui que le Romain prêtait devant le censeur. Les orateurs attiques parlent quelquefois de serments prêtés par les parties après le prononcé du jugement. Un arbitre, sa sentence rendue, oblige les plaideurs à jurer « qu'ils se rendront mutuellement service polir tout le temps à venir, dans la mesure de leurs moyens, en parole et en action 20 ». Au temps d'Eschine 30, la partie qui l'emporte devant les tribunaux du sang 31 doit prêter ce serment, qu'expliquent des idées alors bien vieilles « C'est selon la vérité et la justice qu'ont voté ceux des JUS -765JUS juges qui m'ont accordé leur vote : pour moi, je n'ai pas dit de mensonge. » Le premier de ces serments est promissoire; le second est déclaratoire. Ils ne sont pas sans analogie avec certains serments de réconciliation mentionnés dans les poèmes homériques'. § 3. Les témoins. Dans le droit primitif, le serment des parties et celui des témoins se confondent presque, parce que les témoins se déclarent toujours pour l'une ou l'autre partie. Ils ne déposent pas sur ce qu'ils savent ; ils manifestent leurs préférences. Ils le font ouvertement, solennellement. Parents ou amis, ce sont des partisans assermentés, des cojureurs. Cette coutume a existé en Grèce aussi bien qu'en Germanie 2. Après avoir renoncé au droit de guerre privée, mais avant de reconnaître la valeur d'une déposition désintéressée, on a passé par une période où les membres des ylsVl et des tribus se soutenaient mutuellement devant les tribunaux. La preuve par cojuration existait aux temps homériques. On ne saurait toutefois le démontrer par un texte. Les aewyo( qui figurent dans une scène judiciaire de l'Iliade 3 sont bien les auxiliaires de chaque plaideur; mais, mêlés à la foule, écartés par les hérauts ils n'interviennent pas dans la procédure, ils ne dispensent pas les juges de toute délibération sur le fond : ce ne sont pas des cojureurs 6. Du .rnoins, Aristote 6 mentionne à Kymè, en Éolide, une loi « d'une simplicité antique », d'après laquelle tout homme accusé d'homicide est déclaré coupable si l'accusateur produit un certain nombre de témoins pris parmi ses parents. Cette loi nous révèle le sens caché d'une coutume attique, consacrée par Dracon : à la poursuite du meurtrier concourent, avec l'accusateur principal, ses parents les plus éloignés et les membres de sa phratrie', non sans que les parents aient justifié de cette qualité par serment 8. A Kymè comme à Athènes, ces parents étaient jadis des cojureurs, des témoinsparties. Avec le temps, ils apparaissent plutôt comme témoins à Kymè, oit ils s'appellent ),.xp ruse;, plutôt comme partie à Athènes, où ils ont mission de uvôtwxeiv. Leur nom technique nous est donné dans des fragments de droit civil trouvés en Crète, à Lyttoso et à Gortyne'''; c'est celui d'bilmN.drat et peut-être aussi d'bp xw1i,Tat" Leur rôle consiste à ruvxeo(t.dsaseat12. La loi de Gortyne exige que, dans certains cas, la partie comparaisse assistée de cojureurs en nombre proportionnel au montant de la peine encourue, c'est-à-dire au rang social de l'accusateur et de l'accusé. Si l'adultère pris en flagrant délit excipe du guet-apens, le mari offensé prête serment pour affirmer le flagrant délit et nier le guet-apens : il jure, lùi cinquième, s'il est d'une hétairie ; lui troisième, s'il est homme libre de seconde classe; lui second, s'il est serf. Le serment est le même pour les cojureurs que pour la partie, y compris l'imprécation". Ce sont encore des cojureurs 14, ces L-a» .Tat qui, d'après la convention entre Chaleion et OEanthè, doivent assister les métèques à quinze ou neuf, selon la valeur de l'affaire. Il n'y a pas lieu, dans ces cas, de peser des témoignages, mais de compter des serments. A Gortyne même, dans une loi permanente15 aussi bien que dans une loi de circonstance ", « la partie qui l'emporte est celle pour qui a juré le plus grand nombre» : vtxiiv ô'ô'ep x'oi 75)(Eç ôp.dcavTt. La métamorphose de la cojuration en témoignage fit insensiblement perdre de son importance au sermentf7. Après avoir précédé la déposition, il allait la suivre et d'obligatoire devenir facultatif. Dans la vieille Ascra d'Hésiode'", le témoni qui jure commence par là sa déposition. A Athènes, l'antique procédure des povtxoi vdu.ot fait du serinent la condition préalable de tout témoignage : oûx ~rT' .itoiç (1.ap'rur=r,eat p.ôtop..ocap.ivotçi9. Le nom même de ce serment (Stwp.oaia) rappelle qu'il date d'une époque où les témoins prenaient parti. A Gortyne", le serment des témoins n'est plus promissoire, il n'est plus exigé que dans des cas fixés limitativement, et pourtant, si ces témoins assermentés ne sont plus des cojureurs, ce sont encore, sans nulle exception, des témoins instrumentaires ou des témoins de droit jurant avec la partie. Quand le créancier fait renouveler son titre en justice, le juge et le mnèmon sont appelés comme témoins de droit à établir l'existence de la chose jugée 21; pour certifier que le propriétaire d'une bête tuée ou estropiée s'est acquitté des formalités prescrites, il faut deux témoins instrumentairesL2; pour attester que l'enfant né d'une femme divorcée a été présenté au ci-devant mari, il faut des témoins instrumentaires en nombre variable selon la condition de la femme 23. Dans tous ces cas, les témoins jurent conjointement avec le demandeur ou, si c'est une femme, avec ses parents ou son ayant cause; ils jurent après leur déposition, de manière que le serment, et non la déposition, fasse foi et dicte la sentence. Le droit de Gortyne conserve donc le serment obligatoire des témoins, comme la loi de Dracon, mais le restreint et le rend déclaratoire. Ainsi, la loi de Dracon d'abord, puis le droit de Gortyne marquent la transition entre la cojuration et le témoignage libre. Le dernier progrès s'accomplit en Attique, dans la procédure des tribunaux ordinaires. Là le serment du témoin n'est plus qu'une garantie facultative et ajoutée après coup 24, ou bien une preuve acceptée par les parties. D'ordinaire, le serment est prêté, dès l'information, par les témoins d'une partie, sur sommation de la partie adverse 25. Il est parfois prêté à l'audience, après lecture JUS 766 JUS des dépositions 1. Certains témoins s'offrent spontanément à confirmer leur dire par serment : ce sont ceux que le procès intéresse directement, soit en raison de leur parenté avec une partie, soit en raison de la question litigieuse 2. Sans limiter théoriquement le pouvoir du juge, le serment du témoin peut pratiquement entraîner la sentence. S'il est véritablement décisoire, c'est qu'il a été reconnu comme tel par les parties dans un contrat formel' : la 7spôxailat; a un caractère extra-judiciaire, '. Le serinent des témoins reste donc facultatif.Est-il souvent prêté? Au ve siècle, oui : témoignage et serment semblent alors inséparables 5. Mais il n'en est plus de même au iv° siècle. En somme, devant la justice ordinaire d'Athènes, le serment confirmatoire de témoignage se réduit au minimum : la plupart du temps, c'est une signature au bas d'une pièce écrite. Athènes est allée presque au bout de la voie qui mène le système des preuves depuis la cojuration jusqu'à la déposition simplement juridique et pure de tout mélange religieux. L'Aréopage en était resté au témoignage avec serment obligatoire et promissoire; Gortyne avait poussé jusqu'au serinent obligatoire, mais déclaratoire; l'Ilèliée ne voulut que du serment déclaratoire et facultatif. Il est des cas pourtant où le droit grec, malgré son antipathie pour le formalisme, n'a pas sécularisé le témoignage : c'est le cas du témoin qui ne peut pas ou ne veut pas se rendre à l'audience ou prêter le témoignage requis. Une déposition faite à l'enquête, quoique consignée par écrit, n'a de valeur à l'audience que si elle est soutenue par la présence du témoin ou si elle a été confirmée par son serinent. Ce principe est appliqué dans trois cas : 1° Le serment est exigé des femmes. Elles sont incapables d'agir personnellement en justice, comme les esclaves. Dans les procès où elles se portent partie, c'est leur xûpro; qui prête, en leur nom, le serment d'avT01, oc(x' ou même le serment décisoire 7. Mais elles sont admises, ce qui les distingue des esclaves, à déposer officieusement, surtout dans les affaires où elles ont un intérêt direct'. Encore faut-il que le serinent donne une force probatoire à des affirmations dont le juge n'est pas astreint à faire état. Il n'est pas rare que les femmes témoins offrent ou se voient déférer le serinent décisoire. Le serment de la mère peut seul faire foi dans l'action en reconnaissance de paternité intentée par le fils 9 : après ce serment, « il n'y a plus rien à direi0 2° Tout témoin jouissant de la capacité juridique, qui dépose dans l'instruction, mais ne peut pas se rendre à l'audience, doit prêter serment; à la fois pour corroborer sa déposition et faire admettre son excuse. Un règlement d'arbitrage international ordonne aux témoins qui ne pourront pas se présenter au tribunal de remettre pendant l'instruction un témoignage écrit, en y ajoutant (roTou.vûvTC,1) un serment confirmatoire () Osa p.aoTu1Eiv) et jus 3° Le témoin sommé de confirmer l'assertion formelle d'une partie peut se récuser, soit qu'il allègue une excuse légale, soit qu'il déclare ne rien savoir sur les faits de la cause ou s'inscrive en faux contre l'assertion produite12 Mais quel que soit le motif par lui invoqué, et ce in jure ou in justitial3, devant les diaetètes ou devantl'Ilèliée 1', il doit se récuser devant la pierre des serments. DlaoTUpEiv i opvûrOat, c'est l'adage juridique et probablement le texte légal13. Cette obligation du serment pour qui refuse témoignage a sa sanction : c'est, dans le cas du témoignage promis, la ô(xri),t7o!,tapTup(ou,et,plus géné suivre dans leur extraordinaire variété tous les emplois du serment dans la vie sociale des Grecs. Rien qu'à parcourir l'article iipxo; dans un lexique homérique, on reconnaît toutes les espèces imaginables de serinent déclaratoire et promissoire, jusqu'à l'emprise17. Il faut ici nous en tenir aux cas où les particuliers imitent dans leurs relations quotidiennes les institutions politiques et judiciaires. Les phratries, thiases et autres associations privées font prêter serment dans les mêmes circonstances que les dèmes et la cité. Que les Eicadiens forment une phratrie 18 ou un thiase 19, ils se lient par un serment20, conçu sur le modèle du serinent civique. De même les médecins, à leur entrée dans l'ordre. Hippocrate assermentait ses disciples, comme tout chef d'école. Voici la formule qu'on lui attribue, formule authentique dans l'ensemble, malgré quelques détails ajoutés postérieurenient21 : « Je jure par Apollon, médecin, par Esculape, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses,-les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l'engagement suivants : je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de ives jours, je partagerai avec lui mon avoir, et, le cas échéant, je pourvoirai à ses besoins; je tiendrai ses enfants pour des frères, et, s'ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je ferai part des préceptes, des leçons orales et du reste de l'enseignement à nies fils, à ceux de mon maître, et aux disciples liés par un engagement et un serinent suivant la loi médicale, mais à nul autre. Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m'abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du JUS 767 JUS poison, si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif. Je passerai ma vie et j'exercerai mon art dans l'innocence et la pureté. Je ne pratiquerai pas l'opération de la taille, je la laisserai aux gens qui s'en occupent. Dans quelque maison que j'entre, j'y entrerai pour l'utilité des malades, inc préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves. Quoi que je voie ou entende dans la société pendant l'exercice ou même hors de l'exercice de ma profession, je tairai ce qui n'a jamais besoin d'être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas. Si je remplis ce serment sans l'enfreindre, qu'il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais parmi les hommes; si je les viole et que je me parjure, puissè-je avoir un sort contraire 1 r „ Les thiasotes réunis pour une ln Btxxe(a votent au scrutin secret, i7Lb ion' ~wj.oû 2 et après avoir juré'. On peut se figurer la formule usitée au ve siècle chez les Dèmotionides à Athènes, d'après celle des Labyades à Delphes. Ceux-ci s'engagent à voter avec justice « conformément aux lois delphiennes et en priant les dieux de donner à qui émettra un vote équitable beaucoup de biens et à l'injuste les maux4 ». Les principaux dignitaires des sociétés privées sont assermentés 3. Le phratriarque et le prêtre des Dèmotionides fait jurer aux synègores « d'exercer leurs fonctions en toute justice et de n'admettre à titre de phratère personne qui ne le soit' )). Le tage des Labyades jure en ces termes : « Je remplirai la fonction de toge avec justice, conformément aux lois de la ville et à celles des Labyades.... Je recouvrerai les contributions et en ferai la juste déclaration aux Labyades. Je ne volerai ni ne léserai par artifice ni par manoeuvre la propriété des Labyades. Je déférerai aux tages le serment du patriote en la formule : « Je promets par Zeus « Patroïos : fidèle à mon serment, à moi beaucoup de «biens; parjure, des maux au lieu de biens'!» Des peines sont prévues pour les tages qui n'assermentent pas leurs successeurs et pour ceux qui ne se font pas assermenter s. Il n'est pas jusqu'aux serments judiciaires qui ne se retrouvent dans les législations des phratries et des thiases. On a vu plus haut le serment purgatoire admis par les Labyades. Dans le thiase des Iobacchoi, en cas d'insulte ou d'outrage, l'offensé amène deux témoins qui jurent sur leur déclaration 9. L'introduction dans une phratrie ou une société de gennètes équivalait pour l'Athénien à notre inscription sur les registres de l'état civil ^voir APATCRIAj. Un serment était la condition habituelle de cette formalité. Le père est requis de jurer que « l'enfant présenté est né de lui et d'une citoyenne en légitime mariage 10 ». Il peut refuser ce serment, soit qu'il ne veuille pas faire une déclaration fausse 1i, soit qu'il ait intérêt à un désaveu de paternitéf2. Puisque le serment n'est pas absolument exigé pour l'eicaywy-il, f3, ce n'est pas le fait de l'sieayo y-;i, mais précisément le serment, qui fait la preuve de la légitimité. Aussi le père doit-il être assisté de trois thiasotes qui, à leur tour, la main sur l'autel, font cette déclaration : « Je suis témoin que l'enfant présenté par un tel est son fils né en légitime mariage : c'est la vérité, par Zeus dtpx-rptoç. Si je jure vrai, à moi beaucoup de biens; parjure, malheur à moi14! » Mêmes serments pour l'adoption16. Il suffit d'un serment à Ptolémée Kéraunos pour adopter les enfants d'Arsinoè16. Enfin, lorsqu'un étranger, admis au droit de cité, veut le faire passer à ses enfants mineurs, il doit, dans certaines villes, prêter un serment analogue. A Dymes, un décret décide que le nouveau citoyen jurera devant le conseil que les enfants présentés sont de lui, de naissance légitime et âgés de moins de dix-sept ans17. Les serments de paix et d'alliance entre particuliers sont fréquents dans les siècles primitifs de l'épopée et de la légende. Les querelles entre Achille et Agamemnon, Ulysse et les parents de ses victimes, Ilèraclès et les fils de Nèlée, ne prennent fin que par des sacrifices et des serments S8. En Laconie, les prétendants àla main d'Hélène jurent de soutenir celui d'entre eux qui l'emportera S9. En Attique, Thésée et Pirithoiis se jurent une amitié constante 20, Les Grecs de l'époque historique s'engagent encore par un serment dans les conspirations ou les cabales. Des voisins coalisés2l se lient entre eux, comme font les Ilermocopides2', par une euvwu.oc(a.. Le serment promissoire est très usité en Grèce pour donner plus d'authenticité et de force obligatoire aux contrats privés 23. Il confirme les actes de partage pour règlement de succession2". Voici un pacte écrit, rédigé en présence de la famille et déposé chez un tiers : pour que rien n'y manque, on prend encore à témoin les dieux25. La même formalité garantit peut-être certains contrats de prêt 26 et de location. Dans un contrat de bail emphytéotique, à Chio, il semble que le preneur, voire ses répondants, s'obligent par serment27. En tout cas, dans l'Égypte ptolémaïque, les cultivateurs2' et leurs cautions2° s'engagent envers le fisc par le paetatxbç ô'pxoÿ. « Le contrat d'achat et de vente, dit Théophraste 30, est parfait en ce qui concerne l'acquéreur, quand le prix est payé et que sont remplies les formalités légales, telles que... le serment. » Il n'apparaît cependant pas que cette formalité-là ait été en usage à Athènes. Comme ailleurs", les marchands y juraient à tort et à travers, pour tromper la clientèle : Platon32 en était si outré, qu'il voulait interdire le serment dans les affaires et autoriser tout témoin du méfait, âgé d'au moins trente ans, à infliger au coupable une correction manuelle, à la spartiate. Mais ce n'était pas là la formalité solennelle dont parle Théo JUS 76$ JUS phraste. On la voit pratiquée à Halicarnasse : les acquéreurs de biens mis en vente par des temples s'y font assurer une possession perpétuelle, non seulement par les dieux, mais par les néopes successivement en charge, se portant cogarants sous la foi du serment'. A iEnos, pour empêcher la simulation de vente par prêle-noms et rendre publiques les mutations de propriété, la loi obligeait l'acheteur d'un immeuble à offrir un sacrifice dont l'importance était proportionnée à la valeur du bien aliénée. Devant l'autel, en présence du magistrat préposé à l'enregistrement et de trois habitants du quartier, l'acheteur jurait : « J'achète loyalement, sans collusion ni artifice ni fraude d'aucune sorte », et le vendeur : « Je vends sans dol ». A défaut de cette formalité, le magistrat refusait l'enregistrement, selon un engagement contenu dans son serment d'investiture. On voit pourquoi Cnide appelait son bureau d'enregistrement « le greffe des Comme l'affranchissement se faisait le plus souvent devant l'autel sous forme de vente à la divinité rvoir APELEUTHEHAI, p. 303], on pourrait s'attendre à voir ce contrat de vente spécial confirmé d'ordinaire par le serinent. Mais toute la cérémonie de l'affranchissement était un serment en action. Les dieux, invoqués dans quelques actes d'affranchissement comme témoins et garants', l'étaient toujours dans la réalité, ce qui dispensait du serment formel. Le seul acte d'affranchissement qui, à notre connaissance, soit expressément confirmé par serment', dit bien que le maître et l'affranchi prêteront Tbv vot.tp.ov ôpxov ; mais il ne faut pas entendre par là un serment exigé par la loi 6. Au contraire, dans les contrats d'entreprise, le serment promissoire a une grande-place. Quand Athènes fit réparer les Longs Murs, les adjudicataires furent tenus par le cahier des charges à prêter serment devant le conseil'. Sur une inscription d'Érétrie, un contrat pour le dessèchement d'un marais est accompagné d'un décret fixant en détail les formalités et la formule des serments à prêter'. Tous les citoyens et éphèbes s'obligeront envers l'entrepreneur et éventuellement envers ses héritiers par ce serment, prêté sous la dictée des magistrats' : « Je jure par Apollon, Lat() et Artémis de laisser à Chaeréphanès la jouissance du terrain gagné sur le marais, aux conditions consenties parla ville. Si quelqu'un veut rompre le contrat passé avec Chaeréphanès, je m'y opposerai de tout mon pouvoir, aux termes du serment commun. Fidèle à mon serment, à moi beaucoup de bonheur ; si je me parjure, que je sois perdu, moi et mes biens ! » De son côté, l'entrepreneur fournira des cautions qui garantiront par serment l'exécution des travauxf0. Le serment peut servir à certifier une déclaration de fait insérée au contrat. Ainsi, dans un contrat de louage, le preneur doit affirmer par serment devant les bailleurs qu'il amis sur la terre la quantité de fumier convenuel1. Rare dans les contrats grecs, le serment déclaratoire est fréquent dans les contrats gréco-égyptiens. Sous Ptolémée Philadelphe, les. cultivateurs qui vendent leur récolte d'huile à la régie doivent déclarer dans le contrat, sous la foi du serinent, combien ils ont employé de semence12; dans la double expédition du contrat intervenu entre le fermier de la taxe des vignobles et le vigneron, les déclarations des deux parties doivent être confirmées parle «serinent royal" » ; enfin le serment établit l'exactitude des déclarations fai tes à l'enregistrement, et la mention du serment dans les actes dressés tient lieu de légalisation14 V. LE PARJURE. L'habitude de jurer mène vite au parjure. Trop souvent le Grec se conduit, selon une expression proverbiale en son pays, « comme si les dieux anciens é tai en t remplacés par de nouveaux dieux"». Les Romains furent scandalisés par la « foi grecque" » ce vice était-il un produit de la décadence"? Déjà dans l'Odyssée", c'est un mérite de savoir tirer du serment le même parti que du vol. Sophocle" dramatise un faux serment, et c'est toute une doctrine que le maître de la casuistique grecque, Euripide, met dans ce vers : « La langue a juré, mais non pas l'esprit20 ». Les rhéteurs et les sophistes constituent, à l'usage des plaideurs, le manuel du parjure21. On se méfie surtout des serments de femmes : ils sont « écrits sur l'eau22 ». Quant aux serments d'amour, ils ne comptent pas : ils « ne parviennent pas aux oreilles des dieux23 » Pourtant, on se sentait gêné. On rusait avec sa conscience, on ménageait les dieux tant qu'on pouvait : on mentait àson serment en tachant de l'observer à la lettre. Un misérable refuse de restituer un dépôt. Il cache l'argent dans le creux d'un bâton. Au moment de prêter le serment, il laisse le bâton entre les mains du demandeur. II peut ainsi jurer qu'il a rendu son dû au légitime possesseur, et tout garder, même la faveur des dieux24. Un homme obligé par un serment de jeter à la mer la fille de son hôte, la jette, mais la retire aussitôt". Un coquin vole un poisson à un pêcheur, et vite le glisse parmi les effets d'un autre : le voilà en état de jurer tranquillement qu'il ne l'a pas et ne connaît personne d'autre qui l'ait pris 26. Chilon, pour rester fidèle à son serment de juge, vota la peine de mort contre un de ses amis; mais il fit voter l'acquittement par ses deux collègues 97. Des généraux, qui avaient confirmé par serment des armistices conclus pour un certain nombre de jours, en étaient quittes pour surprendre l'ennemi par des attaques de JUS 769 JUS nuit Les Locriens Épizéphyriens, avant de jurer amitié aux Sicules, mettent de la terre dans leurs chaussures et cachent sous leurs vêtements des têtes d'ail : ils ne s'engagent pas à grand'chose en jurant de rester fidèles à 1 alliance tant qu'ils seront sur cette terre et auront la tête sur les épaules2. Les Athéniens croyaient se distinguer des autres Grecs parleur fidélité à la parole donnée : ils vantaient l't'nx-q (rrtç 3. Ils en voulurent à Euripide d'avoir érigé en apophtegme l'excuse des parjures'', fût-ce dans une pièce dont le héros périt victime de la foi jurée. Dans la vie privée, ils admettaient avec Périclès qu'on doit rendre service à ses amis « jusqu'à l'autel exclusivement s »; dans la vie publique, ils se disaient engagés comme héritiers par les serments de leurs ancêtres G. On accusait les Spartiates d'une déplorable propension au parjure'. Reproche justifié par leur politique : Cléomène était de ceux qui ne reconnaissaient pas les serments comme valables pour la nuits; Lysandre proclamait comme une maxime d'État qu'il fallait « amuser les enfants avec des osselets et les hommes avec des serments 9 ». Mais, dans les relations sociales, les Spartiates valaient ni plus ni moins que le reste des Grecs. On en voit même un abandonner à un ami une femme aimée, parce qu'il avait juré de lui céder celui de ses biens qu'il choisirait' °. On traitait de parjures les Thessaliens ", les Phrygiens12. Quant aux Crétois, leur réputation était faite 13:on dirait qu'ils se rendaient justice mutuellement, à les voir dans leurs traités attester tant de divinités, comme pour multiplier les garanties. Les esprits élevés, les philosophes, cherchèrent à réagir contre l'abus des serments et des jurons. Par scrupule religieux ou par convenance mondaine, beaucoup de gens remplaçaient l'invocation aux dieux par un de ces jurons qui ne signifient rien". Le légendaire Rhadamanthe aurait déjà recommandé de jurer par des bêtes ou des plantes'. Le devin athénien Lampon jurait par l'oie" ; le philosophe Zénon de Cition, par le câprier17 ; d'autres, par le chou18. Quand Socrate jurait par le chien et par le platane19, ce n'était nullement par mépris de la religion nationale, comme le prétendaient ses ennemis 20 mais, bien au contraire, par respect des dieux (dtx 8etatizt Pythagore alla plus loin : il combattit l'usage du serment même dans les affaires d'importance22. Ses disciples aimaient mieux perdre un procès que de le gagner par un serment 23. « Ne jure pas » fut la devise de l'école 24. Elle se répandit au dehors. Eschyle25 faisait dire à un V. de ses personnages : « Le serment n'est pas garant de l'homme, mais l'homme du serment », et lllénandre2s « Évite de jurer pour la bonne cause comme pour la mauvaise. » Platon 27 n'était donc pas un initiateur, ruais un imitateur timide, quand, bannissant de sa république la procédure sacramentaire, il y conservait le serment dans les circonstances où l'on n'en tirait pas un profit matériel et immédiat. La tradition établie, Épictète 28 n'eut pas grand mérite à revenir aux idées de Pythagore. Mais la philosophie avait peu d'influence : il lui eût fallu le concours de la loi. Ce concours n'existait pas. On a parlé d'une action criminelle en parjure (Ypxcpii i7rtopx(aç), qui aurait eu pour sanction l'atimie29. Aucun document n'en fait mention, ni à Athènes ni ailleurs 30. Il n'est jamais question que de la honte qui accable le parjure 3f. Le témoin parjure pouvait tomber sous le coup d'une action civile en faux témoignage (Mx-il ' suiou.xprupt ûv), mais en raison du faux témoignage, et non spécifiquement du parjure. On pouvait reprendre la procédure contre la partie qui avait faussement nié un dépôt par serment (ô(xrt 77ap«x 4B7ixliç), mais seulement pour plaider sur le fond. Ce sont les dieux invoqués à tort qui se chargent de venger l'outrage fait à leur nom et l'atteinte portée à l'ordre immuable des choses. Le châtiment peut être tardif, il est sûr 32. S'il n'atteint pas le coupable lui-même, il retombe sur la tète de sa femme, de ses enfants, sur toute sa famille'''. C'est surtout le cinquième jour de chaque mois que les Érinyes font une chasse furieuse aux parj ures u. Si l'on parvient à leur échapper en ce monde, on les retrouve aux enfers, où on ne les évite pas u. G. GLorz. RouE. Le serment, à Rome, est un acte conçu en termes consacrés (conceptis verbis 36), par lequel on prend une divinité à témoin u de la vérité d'une affirmation 38. « Jzlro » tune dici debere cum con firmamus aliquid aul promittimus 39. Cet acte doit assurer à celui qui prête le serment la faveur des dieux si le serment est sincère, attirer leur colère s'il ne l'est pas 49 : c'est là le trait distinctif et la raison d'être du serment". C'était une croyance très répandue chez les peuples de l'antiquité et particulièrement chez les Romains, que l'on pouvait toujours faire appel à la justice divine et que les dieux étaient prêts à frapper le parjure de maux de toutes sortes et à récompenser ceux qui restaient fidèles à leur serment" Au temps de Cicéron, les esprits cultivés étaient devenus sceptiques; il ne redoutaient plus la colère des dieux. L'observation du serment était une question de justice et de loyauté: Jusjurandum non ad iram deorunz quae nulla 97 JUS 170 JUS e§t, sed ad justitiamet ad fidem pertinet '. Aussi, sous l'Empire, admit-on qu'on pourrait être délié de son serment par le prince 2. Le serment est à cette époque un acte à la fois civil et religieux : il a survécu à la séparation du droit et de la religion Il a été maintenu sous les empereurs chrétiens et subsiste encore en droit moderne. Le serment était prêté d'ordinaire la main sur l'autel d'un dieu'. Parfois cependant on se contentait de toucher certaines parties du corps réputées sacrées : les genoux, la main droite 0, les yeux G, ou bien encore les cendres ou les ossements d'un mort7. Parfois on prenait une pierre et l'on prononçait la formule : Si sciens falto inc Jupiter, salua urbe arceque, bonis ejiciat uti ego lapidem hune ejicio'. Lorsque le serment était bilatéral, l'une des parties devait praejurare, puis l'autre disait : Idem in me. Cela s'appelait accedere °. Le serment se présente sous deux formes : le jusjurandum et le sacramentum. Celui-ci comporte deux applications : le serment prêté par les soldats au chef de l'arméef0, celui qui était exigé des plaideurs dans l'action de la loi per sacramentum" Ces deux applications seront exposées à l'article SACRAMENTUM ; on y recherchera en même temps la différence qui existe entre cette forme de serinent et le jusjurandum. On ne s'occupera ici que du jusjurandum proprement dit, en distinguant les applications relatives aux rapports internationaux, au droit public, au droit privé et à la procédure. traités conclus entre le peuple romain et une nation étrangère étaient placés sous la garantie de la Fides 12 [Fmrs]; de là le nom de foedus qui désignait la forme la plus solennelle de ces traités 13. Le foedus diffère de la sponsio en ce que l'engagement des représentants des deux États est confirmé par un serment réciproque 14 [FOEDUS, FETIALES, sPONSio]. La formule romaine de ce serment a été conservée par Tite-Live la. Étaient pareillement confirmées par un serment les conventions conclues entre Rome et les colonies de citoyens pour leur concéder certains privilèges (vacatio sacrosancta) 1G On peut rapprocher de cette application du serment celle qui était usitée entre membres d'une même association; ils s'engageaient par serment ( conjurare) à observer les statuts 17 Le sénatus-consulte des Bacchanales de l'an de Rome 568 donne aux associés le nom de foideratei 13. On aparfois considéré la loi sacrée qui garantit l'inviolabilité tribunitienne (po/estas sacrosancta)13 comme un traité conclu entre le patriciat et la plèbe 20. Mais cette loi sacrée parait plutôt être l'oeuvre exclusive des plébéiens : c'est un plébiscite contenant l'engagement solennel, confirmé par un serment, de vouer aux dieux la tète et les biens de quiconque porterait atteinte à la personne el, à la dignité d'un tribun. Le serment n'avait ici d'autre but que de colorer d'un prétexte religieux la prétention de la plèbe à se faire justice 21 par les comices sont tenus, avant d'entrer en charge [RENLNTIATIO], de jurer de remplir leurs fonctions fidèlement et pour le bien de l'État. Le serment est prêté devant le président des comices. Pline rapporte que Trajan déjà empereur se présenta devant le consul assis sur son siège et prêta debout le serment traditionnel, consacrant sa personne et sa maison à la colère des dieux en cas de parjure n. Dans les municipes, les magistrats devaient jurer de se conformer à la loi municipale; le serment était prêté dans l'assemblée du peuple". Dans les cinq jours de leur entrée en charge 24, les magistrats doivent jurer de se conformer scrupuleusement aux lois : c'est le serment in leges 20 ; il était prêté pro contione ou devant le temple de Castor, en présence du questeur 26. Acte était dressé de la prestation du serment et consigné sur les registres publics 27. Pareil serment est exigé des duumvirs, édiles et questeurs municipaux par la loi municipale de Salpensa n. L'obligation imposée aux magistrats de prêter serment rendait le flamine de Jupiter incapable de remplir une magistrature : il ne pouvait en effet jurare in leges 29. La difficulté fut éludée au début du Ine siècle de Rome lorsque C:Valerius Flaccus fut élu édile : le sénat autorisa le flamine à prêter serment par l'intermédiaire d'un tiers. Cet expédient fut ratifié par un plébiscite 3° [FLA:,utN, p. 1158]. Tant que le serment n'est pas prêté, le magistrat ne peut convoquer le sénat 31; or, comme il était d'usage de le convoquer le jour de l'entrée en charge 32, la prestation de serment devait habituellement avoir lieu le même jour. Sous l'Empire, ce jour fut fixé au ter janvier 33. A défaut de prestation de serment dans les cinq jours, le magistrat était primitivement 31 déchu de ses fonctions, et il était interdit aux censeurs subséquents de l'inscrire sur la liste des sénateurs 3i'. Plus tard, on se contenta de lui infliger une amende". Indépendamment du serment général in leges, on exige parfois des magistrats un serment spécial à telle ou telle loi. Divers plébiscites de la fin de la République obligent les magistrats présents et futurs à jurer d'observer la disposition votée par le peuple n. Le serment doit être JUS 771 -JUS prêté dans les cinq jours'. On l'exige même des_ candidats aux magistratures 2 ; on l'impose également aux sénateurs C'était un moyen d'assurer l'exécution de la loi et en même temps d'empêcher qu'on ne mît en question la validité de celte loi ". La sanction était la déchéance du jus honorant 6, parfois une forte amende 6. Après la victoire de César sur les partisans de Pompée, en 709, la formule du serment in leges vise les actes accomplis par César pendant sa dictature'. Tout magistrat doit jurer qu'il ne fera rien contra acta Caesaris8. Sous l'Empire, cette formule vise les actes des empereurs, à l'exception de ceux qui ont été cassés ; elle vise également les actes de l'empereur régnant 3. La formule du serment a été modifiée à un autre point de vue : anciennement le serment était prêté per Jovem deosque. Penates 10 pendant la dictature de César, on y intercala les mots per Genium Caesarissous l'Empire, onjuraparJupiter, par les empereurs défunts qui avaient revu l'apothéose, par le génie de l'empereur régnant et par les dieux pénates 12 En sortant de charge, les magistrats ont à prêter un nouveau serment : ils doivent jurer qu'ils n'ont rien fait de contraire aux lois (nihil contra leges fecisse)'3. Cela s'appelait magistratum ejurare'". En principe, le serment devait être prêté à Rome13, du haut des rostres"; le magistrat en profitait pour haranguer le peuple une dernière fois 17. Le serment n'était pas seulement imposé aux magistrats au commencement et à la fin de leur magistrature il l'était aussi en mainte circonstance pendant la durée de leur charge ; c'était une garantie de leur impartialité. Les préteurs, chargés au dernier siècle de la République de dresser la liste des juges pour les quaestiones perpetuae, jurent qu'ils choisissent les meilleurs citoyens (jurati optimum quemque in selectos judices referre)18. Les censeurs, dont les fonctions étaient particulièrement délicates, affirment, dit Zonaras, sous la foi du serment, pour chaque citoyen qu'ils éliminent du sénat ou qu'ils y font entrer, qu'ils n'agissent ni par faveur, ni par haine, mais en leur âme et conscience et dans l'intérêt de la République 19. Un sénatus-consulte de l'an 550 obligea les censeurs des douze colonies latines à transmettre sous serment aux censeurs de Rome les résultats de leurs opérations 20. Par analogie avec la règle appliquée aux magistrats, on exigeait le serinent du judex quaestionis 21, qui remplacaitle préteur dans la présidence d'une quaestio perpe tua iQCAESTIONES PERPETI AEj. On l'exigeait également du judex privatus avant son entrée en fonctions 22 Les magistrats ne furent pas les seuls à qui le droit public romain imposa le serment. Des lois ou plébiscites obligèrent les sénateurs à jurer en votant sur une relatio qui leur était soumise (senalus jura/us) 23. Le sénat en certains cas décida, d'accord avec l'auteur de la relatio, que le vote aurait lieu sous la foi du serment 24 Les simples citoyens eux-mêmes étaient tenus de faire leurs déclarations au cens sous la foi du serment. Tel était le serment de uxoribus dont la formule est rapportée par Cicéron 25 et par Aulu-Gelle 26 : Ex tui animi sententia tu uxorem habes? Ex animi sententia habeo. Tel était aussi le serinent relatif à l'évaluation de la fortune du déclarant. C'était le commune omnium civium jusjurandum 27. Ce serment était reçu par les auxiliaires du censeur 28 appelés juratores 2s serment reçoit une triple application. Il sert tantôt à confirmer un engagement à exécuter dans l'avenir, tantôt à garantir l'exécution d'une charge imposée par un testateur à un héritier ou à un légataire, tantôt à attester l'exactitude d'un fait accompli. Dans le premier cas, le serment est dit promissoire; dans le dernier, on l'appelle volontaire pour le distinguer du serment nécessaire qui peut être déféré par le magistrat30. Des lois d'époques très différentes ont pareillement exigé un serment spécial soit de certains débiteurs insolvables, soit pour tenir lieu de fidéjusseurs. 1° Serment promissoire. Le serment promissoire fut surtout usité aux premiers siècles, à 1:époque oit le nombre des actes juridiques était fort restreint, où ces actes exigeaient des solennités plus ou moins compliquées. Lorsqu'on engageait sa foi sans observer les formes requises, le moyen le plus énergique de confirmer la promesse était le serment". Jus jurare, c'est donner à une promesse la valeur d'un droit, en prononçant la formule du serment. On en trouve de nombreux exemples dans Plaute : promesse de donation32, promesse de ne pas vendre une chose à une autre personne", promesse de récompense à qui indiquera où est un objet perdu ou volé 34, vente à livrer u. Tous ces actes sont confirmés par un serment. Ce serment était prêté la main sur l'autel domestique 36, plus souvent sur l'autel d'une divinité 37, particulièrement sur celui d'Hercule 38. Le droit résultant du serment promissoire était sanctionné par une peine sacrée et par une peine civile. Celui qui ne tenait pas sa promesse s'exposait à la colère du dieu qu'il avait invoqué 39; il était traité par les censeurs avec la dernière sévérité". La loi des Douze Tables le déclarait improbus et intestabilis " ; il était déchu du droit de figurer comme témoin dans un acte solennel". Dans un cas cependant, cette sanction eût été inefficace : pour la promesse de journées de travail" faite par un esclave à son patron au jour de son affranchissement. Aussi de bonne heure le jusjurandum liberti44 a-t-il donné lieu à une action en justice, le judicium operarum'3. 772 JUS Mais un doute s'éleva sur le point de savoir si l'esclave pouvait s'obliger autrement que par un lien religieux. Certains jurisconsultes prétendirent que le judiciem operarum manquait de fondement'. Pour écarter cette difficulté ou plutôt ce scrupule de légiste, on prit l'habitude d'exiger de l'esclave un double serinent, avant et après son affranchissement'. Le premier lui imposait la nécessité de jurer une fois qu'il serait devenu libre ; le second était sanctionné par l'action operarum. L'épitorne, de Gaius range le jusjurandum liberli dans les contrats qui se forment verbis, à côté de la stipulation et de la dotis dictio 3. Comme tout serment, celui de l'affranchi devait être prêté conceptis verbis. La formule n'a d'ailleurs pas été conservée. Contrairement à la règle admise en matière de contrat, le serment promissoire peut être prêté même par un impubère 4. Le jusjurandum liberli a été sanctionné par la loi de très bonne heure. L'action operarum présente une particularité qui le prouve : elle sanctionne une obligation de faire et cependant elle est présentée dans les textes comme ayant pour objet une dation;. Par suite, si l'affranchi, invité par son patron à travailler pour lui un certain jour 6, s'abstient sans cause valable', le patron peut le forcer judiciairement à lui payer la valeur de la journée de travail', et l'affranchi n'est pas admis à se libérer en nature °. Cette particularité tient sans doute à ce que le judicium operarum remonte à une époque oit les stipulations ayant pour objet un fait ou une abstention n'étaient pas encore sanctionnées par la loi10 [STIPULATIO]. On traita les operae comme une marchandise susceptible d'être transférée en propriété au patron 11 [OPERAE]. L'affranchi fut d'ailleurs protégé par l'édit du préteur contre les exigences démesurées du patron : il put invoquer l'exception one randae libertatis causa 12 [LIBERTUS]. `lb Conditio jusjurandi dans les institutions d'héritier et dans les legs. Pendant longtemps les charges imposées par un testateur à un héritier ou à un légataire ne furent pas juridiquement obligatoires [sronus]. Pour en assurer l'exécution, on avait ordinairement recours à l'un de ces deux moyens : le testateur édictait une amende au profit d'une cité, d'un temple, d'un collège de prêtres 13 [3IULTA] ; il obligeait le grevé à jurer de se conformer au testament 1". Dans ce dernier cas, l'institution d'héritier ou le legs était subordonné à la condition de prêter serment (condilio jurisjurandi). On trouve des exemples de cette condition à la fin de la République, JUS dans les oeuvres de Cicéron ' et dans les écrits de Labéon 1s L'usage du serment en pareille matière est conforme aux habitudes des Romains. Ce qu'il y a de particulier, c'est l'intervention du magistrat qui, en certains cas, fait remise du serment. Lorsque le serment garantissait l'exécution d'une charge illicite, imposée par exemple au profit d'une personne légalement incapable de recevoir, l'héritier avait la faculté de demander au préteur de lui faire remise du serment et de lui accorder la bono rum possessio 17. Au début de l'Empire, l'édit du préteur fit remise, une fois pour toutes, du serment imposé aux héritiers ou aux légataires 16. La condilio jurisjurandi fut réputée non avenue ; l'institution d'hériter ou le legs traité comme pur et simple19. On ignore la raison qui détermina l'insertion dans l'édit d'une règle aussi absolue. On sait seulement qu'une disposition analogue était écrite dans la loi Julia2p de maritandis ordinibus : cette loi fit remise du serment de ne pas se marier imposé aux affranchis'. Peut-être l'édit du préteur fut-il motivé par une raison analogue : empêcher les testateurs d'écarter l'application des lois cadacaires92. Cette règle ne fut d'ailleurs observée ni pour les esclaves affranchis sous condition de prêter serment 23, ni pour les cités gratifiées d'un legs sous la même condition. Dans ce dernier cas, le serment était prêté par l'un des administrateurs de la cité24. La règle de l'édit ne fut pas longtemps maintenue ; le préteur continua sans doute à faire remise du serinent, mais il prit sur lui de forcer le grevé à exécuter les charges 23 non réprouvées par la loi 26. Ulpien déclare que la clause de l'édit sur la remise du serment est inapplicable à l'esclave affranchi par testament sous condition de prêter serment : et cela dans l'intérêt même de l'esclave qui ne peut devenir libre sans accomplir la condition 27. Mais l'édit redeviendrait applicable si l'esclave affranchi purement et simplement avait reçu un legs sous la condition de jurer28 3° Serment volontaire. Lorsqu'il existe un différend entre deux personnes, l'une d'elles peut proposer à l'autre de le trancher par un serment : c'est un moyen d'éviter les frais et les chances d'un procès. Gains l'appelle maximum remedium expediendarum litium 29. Si la proposition est acceptée et le serinent prêté, le pacte conclu entre les parties 30 est sanctionné parle préteur soit par une action jurisjurandi 31, soit par une exception jurisjurandi'". Le serinent sert de titre au demandeur qui a juré; désormais, pour obtenir gain de cause contre son adversaire, JUS 773 JUS il lui suffira de prouver la convention de serment'. De même le défendeur qui a juré peut arrêter la poursuite du demandeur en justifiant du pacte de serment' : le serment est pour lui un titre de libération. C'est là une grande simplification au point de vue de la preuve : on n'a plus à discuter les titres antérieurs de créançe ou de propriété. On n'est même pas admis à prétendre que celui qui a prêté serment a commis un parjure 3 l'autre partie a su à quoi elle s'exposait en acceptant une offre qu'elle était libre de décliner. Le serment a sous ce rapport une autorité plus grande que la chose jugée 4 à laquelle on le compare souvent : des constitutions impériales permettent de recommencer un procès qui s'est terminé par l'absolution du défendeur, lorsque le demandeur produit des titres nouveaux qu'il a trouvés depuis le jugement 6. Le serment peut être déféré en matière réelle' aussi bien qu'en matière personnelle 3; on en trouve même des applications dans les questions relatives à l'état des personnes'. Le serment peut être déféré à un enfant aussi bien qu'à une femme 10 ; il ne peut l'être par une personne incapable d'aliéner 11, car le serment équivaut au payement". Le serment doit être prêté d'après la formule proposée par celui qui le défère : si l'on est invité à jurer per Deum, on ne peut répondre per caput meum 13. Le serment per salutem meam est admis 14.On peut aussi, d'après un rescrit d'Antonin le Pieux, jurer propria superstitione 13. Mais on discuta la question de savoir si l'on pourrait employer la formule de serment propre à une religion réprouvée par la loi (improbata publice religio). Ulpien se prononce pour la négative10. 4° Le serment des nexi. D'après Varron 17, la loi Poetelial6 ordonnait la mise en liberté des nexi qui bonam copiam jurarent. On ignore d'ailleurs le sens exact de ces mots. M. Moritz Voigt pense que le débiteur devait affirmer sous serment qu'il était solvable10. M. Gallinger croit au contraire que le nexus devait jurer qu'il n'avait pas de quoi payer ses créanciers 90. Jurare serait pris ici dans le sens d'ejurare 21 et signifierait : nier sous la foi du serment 22 [1NEXI[. bo Jusjurandum manifestationis.Tel est le nom donné par les interprètes au serment imposé au débiteur insolvable par la Novelle CXXXV de Justinien. Pour se soustraire à la contrainte par corps ou à la cession de biens, il suffit de jurer sur l'Évangile nullam sibi facultatem reliquam esse in reluis aut auro, onde detia catis faciat. Cette Novelle fut motivée par un abus de pouvoir du gouverneur de la province de Mésie à l'égard d'un certain Zosarius. 6° Cautio juratoria. Au Bas-Empire, l'obligation de fournir une satisdation fut remplacée dans certains cas par• une promesse confirmée par un serment. La cautio juratoria dispense de présenter des fidéjusseurs. Cette faveur fut réservée tout d'abord aux personnages illustres 23, aux gouverneurs des provinces, aux consulares, correctores, spectabiles judices 24. C'est du moins ce qui ressort de deux constitutions de Zénon. Justinien paraît lui avoir donné une portée plus large : suivant la qualité des personnes, il exige une satisdation ou une cautio juratoria, ou se contente d'une simple promesse25. comporte dans la procédure quatre applications principales : le serment nécessaire, le serment judiciaire, le serment in litem et le serment de calomnia. jo Serment nécessaire. Le serment nécessaire a pour trait distinctif d'être toujours déféré devant le magistrat (jusjurandum in jure delatum26) et avant tout débat. Les parties viennent de comparaître en justice; le demandeur a fait connaître sa prétention, et aussitôt, au lieu de solliciter du préteur la rédaction d'une formule, il défère le serment au défendeur. Celui-ci n'est pas libre de décliner cette offre : il est tenu de prêter le serment 27, s'il n'aime mieux le référer au demandeur 23. La prestation du serment met fin au procès : c'est comme si le défendeur était absous2°. Le défaut de prestation équivaut à un jugement de condamnation S°. Le défendeur est traité comme un judicatus31 [JUDICA'rUM]. Voilà une institution bien singulière : comment un plaideur aura-t-il la pensée de remettre le sort du procès aux mains de son adversaire32? Comment exiger un serment du défendeur, alors qu'il ignore sur quoi le demandeur fonde sa prétention? Un pareil serment pourrait servir à découvrir la vérité s'il avait lieu à la fin du procès, alors que chacun des plaideurs a exposé ses raisons et ses preuves : s'il subsistait un doute, on concevrait qu'il fût tranché par le serment de l'une des parties. Mais ici c'est avant tout débat que le serment est exigé. Comment expliquer une institution aussi étrange? Le serment nécessaire est une survivance d'une période du droit bien lointaine. Il remonte à une époque où il n'existait pas encore un système de preuves bien coordonné. Dans un débat où l'un des plaideurs affirme une prétention que l'autre conteste, il était difficile de sortir d'incertitude. On s'en remettait au serment de l'une des parties avec la conviction que la divinité saurait punir le parjure. Si le défendeur jurait qu'il ne devait rien, il était libéré sans autre forme de procès. C'est ce qu'on appelle le serment purgatoire". Une pareille institution aurait dû disparaître dans une période du droit plus avancée, alors que l'administration de la justice fut régulièrement organisée. On l'a conservée cependant par habitude, et l'on n'est -pas peu étonné de la retrouver JUS 77i JUS dans la plupart des codes modernes, notamment dans le Code civil, où elle porte le nom de serment décisoire. Si la jurisprudence romaine a conservé le serment nécessaire même à l'époque classique, elle s'est bien gardé d'en étendre l'application : elle l'a de tout temps renfermé dans ses limites primitives; le serment nécessaire paraît bien n'avoir été admis que dans une catégorie d'actions, dans les cas prévus par l'édit Si certum petetur. La démonstration a été faite par M. Demelius6. Il a fait remarquer que les fragments insérés au Digeste au titre De jurejurando sive roluntario sine necessario sive judiciali 2, ont été empruntés les uns aux commentaires sur l'édit de jurejurando et par suite sont relatifs au pacte de serment, les autres aux commentaires sur l'édit de raits creditis : or ce sont précisément ces derniers qui traitent du serment nécessaire. Il existe donc un rapport étroit entre le serment nécessaire et les actions relatives aux res creditae : l'action certae pecuniae et la condictio triticaria. Tandis que le serment volontaire peut être déféré en toute matière, le serment nécessaire n'est admis que dans les procès tendant à la restitution d'une somme ou d'une chose due en vertu d'une opération de crédit. Lorsqu'Ulpien dit : Jus jurandum et ad pecunias et ad omnes res locum habet3, il affirme que le serment nécessaire peut être déféré non seulement en matière d'argent prêté (pecunia certa credita), ce qui est le cas d'application de la loi de Silia4, mais aussi dans tous les cas pré vus par la loi Calpurnia, de omni certa re 5 [COnSTITUTIJM]. A ces deux cas, on a assimilé les demandes fondées sur le jusjurandum liberli 6 ou sur un pacte de constitut'. Cette assimilation est facile à justifier : les jurisconsultes classiques traitent le judicium operarum comme une action certae creditae pecuniae 8 ; le pacte de constitut paraît s'être appliqué exclusivement à l'origine à une pecunia credita' . Aussi, sur l'album du préteur l'édit sur le constitut suit-il immédiatement les édits si certum peletur et de eo quod certo loto dari oportet 10. Le serment nécessaire a donc un caractère tout différent de celui du serment conventionnel ou volontaire. Il en diffère également par son objet et par ses effets : il ne donne lieu ni à l'action ni à l'exception jurisjurandi. Enfin il ne peut être déféré que par le demandeur : il en fut ainsi tout au moins aux premiers siècles de,l'Efnpire". Un passage des Sentences de Paul prouverait, s'il n'a pas été remanié par les rédacteurs du Bréviaire d'Alaric, que le même droit fut, au III° siècle, accordé au défendeur 12. Le serment nécessaire a été admis pour des raisons spéciales dans quelques cas étrangers à l'édit si certum petetur ; mais ici le serment ne peut être référé fa Io D'après l'édit du préteur, le mari qui, après divorce, intente l'action rerum amotarum, peut demander à la femme de jurer qu'elle n'a rien détourné en vue du divorce f4. Des raisons de haute convenance ont sans doute fait admettre cette décision : elle permet d'éviter des recherches indiscrètes. Lorsqu'un délit a été commis par un esclave ou par un fils de famille, et que le maître ou le père cité en justice nie avoir l'esclave ou le fils sous sa puissance, l'édit du préteur donne au demandeur le choix entre deux partis : forcer le défendeur à jurer qu'il n'a pas la puissance dominicale ou paternelle ou accepter une formule sans faculté d'abandon noxallo. En plaçant le maître ou le.père dans cette alternative, en lui retirant le droit à l'abandon noxal, le préteur a voulu déjouer les fraudes que le maître aurait pu commettre de concert avec son esclave" 3° La loi Cornelia de injuriis permet à l'offensé de déférer le serment à l'auteur de l'in jure j i Jriii, A, p. 574]; il sera mis en demeure de jurer qu'il ne lapas commise ". C'est un moyen d'abréger la poursuite en faisant reconnaître le délit sur-le-champ. L'auteur de l'injure n'osera pas prêter un pareil serment : plus tard, il pourrait chercher à faire naître une équivoque. Le préteur a étendu cette disposition de la loi Cornelia aux injures réprimées par son édit 18, Au Bas-Empire, le serment nécessaire a perdu son caractère primitif : il est devenu une sorte de serment probatoire. Les parties peuvent demander au juge de le déférer d'office, mais on a la faculté de le refuser Si celui qui a refusé de prêter serment est néanmoins condamné, il peut interjeter appel de la sentence du juge 16. 2° Serment judiciaire. Il s'agit ici du serment déféré in judicio par opposition au serment déféré in jure. Le serinent judiciaire (jusjurandum jadiciale) 2' est déféré par le juge lorsqu'il n'y a pas de preuves suffisantes. Il n'a aucune valeur légale ; c'est simplement un moyen pour le juge de former sa conviction 21 ; il est libre de n'en tenir aucun compte. On a prétendu, il est vrai, que ce serment pouvait être déféré par l'une des parties à l'autre et qu'il produisait les mêmes effets que le jusjurandum in jure delatum22. Mais les textes invoqués23 ont été interpolés, comme on l'a dès longtemps reconnu n. Le serment judiciaire ne diffère pas moins du serment volontaire ou conventionnel : on a déjà dit que l'affaire peut être remise en question (ex integro) lorsqu'après le jugement on a découvert des pièces décisives. Rien de pareil en cas de serment volontaire : il n'est pas permis de causam retractare u. D'après une Novelle de Justinien adressée en 539 au préfet d'Orient Johannes Cappadox, le juge peut déférer le serinent au plaideur qui obtient gain de cause, pour la liquidation des frais du procès 2s A. Jusjurandum in litem. L'une des applications les plus importantes du serment judiciaire est le jusjurandum in litem. C'est le droit attribué au demandeur de fixer luimême sous la foi du serment le montant de la condamnation que prononcera le juge. C'est là un droit exorbitant, car, malgré le serment, le demandeur exagérera plus ou moins le chiffre des dommages-intérêts 27. Aussi divers JUS 775 JUS textes considèrent-ils ce mode d'évaluation comme une peine pour le défendeur'. Le jusjurandum in litem n'a pas une application générale ; il n'est permis que dans certaines actions et pour certaines causes : dans les actions réelles, dans les actions personnelles arbitraires 2 [ACrIo, p. 55], notamment dans l'action ad exhibendum [Exn1BENDUM ACTIO, p. 926]. Dans les actions de bonne foi, le serment in litem est autorisé lorsque le défendeur a commis un dol, mais non une simple faute4. Dans les actions de droit strict, le serment n'est admis que si la chose due a péri par le fait ou après la mise en demeure du débiteur 5. Le serment in litem était-il dans ces divers cas un droit absolu pour le demandeur? La délation du serment dépendait-elle de l'appréciation du juge? D'après Marcien, le juge jouirait ici d'un pouvoir discrétionnaire : il pourrait. ne pas déférer le serment ° ; il pourrait aussi le restreindre par une laxatio', ou condamner à une somme inférieure 8. Telle est probablement la règle nouvelle introduite de son temps. A l'époque antérieure, les pouvoirs du juge paraissent avoir été moins étendus. Il y a des cas où, suivant i;lpien, le serment in litera était admis sine taxatione in infnitum°. D'autre part, le même jurisconsulte examine la question de savoir si le juge peut imposer une taxatio, comme s'il s'agissait d'une question neuve et qui n'avait pas encore été soulevée 1° : il n'autorise d'ailleurs la taxatio que dans les actions de bonne toit'. Dans tout autre cas, le juge ne pourrait, après avoir déféré le serinent, absoudre le défendeur ou le condamner à une somme moindre que pour une cause grave, telle que la découverte de preuves dont il n'avait pas connaissance lors de la délation du serment 12 B. Jusjurandum calumniae13.Le jusjurandum calumniae est l'un des moyens imaginés pour garantir la bonne foi des plaideurs, pour s'assurer qu'ils n'agissent pas par chicane. La témérité des plaideurs, dit Gaius, modo pecuniariapoena, modo jurisjurandi religion e, modo metu infamiae coercetur14. Ce serment ne peut être déféré que sur la demande de la partie adverse et devant le magistrat ". Le jusjurandum calumniae peut être exigé du demandeur dans toute action 16, à moins que le défendeur n'ait engagé avec lui une restipulalio" [STIIULAT 01 ou qu'il ait intenté contre lui un judicium calumniae [CALIJMMA] ou un contrarium judicium 18. En dehors de ces cas, le demandeur doit jurer non calumniae causa agere 1°. De son côté, le demandeur peut toujours exiger le jusjurandum calumniae du défendeur, à moins qu'il ne s'agisse d'une action donnant lieu à une sponsio [srorsfo] ou à une action au double ou susceptible d'entraîner condemnatio potes/ ex contumacia non restituentis per jusjurandum in litem : non enfin res pluris fit per hoc, sed ex contumacia aestimalur ultra rei pretium ... » Paul, 13 ad Sali. eod. 2, distingue l'estimation d'après le quanti interest qui est la règle en cas de faute et l'estimation d'après le serment in litera qui est admise en cas de doI ou de contumacia. Cf. Marcel. 8 Dig. eod. 8. 1 Javol. 14 ex Cassin. Dig. 18. 3 Marcian. 4 lleg. Dig. XII, 3, 5 pr. ; Paul. 13 ad Sab. eod. 2. 4 Marcian. pour le jusjurandum Zenonianunt admis par Zénon dans l'interdit lande ci : Cod. 172: u Permiltit praetor jusjurandum exigere non'calurnniae causa infitias ire. » dandin II, 58, 1 pr. -23 Ibid. 2 pr. -24Ibid. : u... Sacrosanctis evangeliis propo une condamnation au. double en raison d'une in fitiatio 20 Le défendeur jure non calumniae causa ad influas ire 21 Bien entendu, la prestation du serment n'empêche nullement le défendeur d'être condamné. Au temps ale Justinien, le jusjurandum calumniae est d'ordre public22. Le magistrat doit toujours l'exige,r des deux plaideurs immédiatementaprès la titis contestatio23 Le serment doit être prêté devant les saints évangiles 24. Le juramentum de calumnia est aussi imposé aux avocats 25. Ils doivent jurer, la main sur les évangiles, que la cause ne leur parait pas mauvaise ou désespérée ou fondée sur des allégations mensongères, et qu'ils renonceront à prêter leur appui à leur client si, au cours du procès, ils s'aperçoivent de leur erreur 2G. Dans ce dernier cas, aucun autre avocat ne pourra se charger de l'affaire 27 Pour des raisons particulières, le jusjurandum calumniae 28 fut exigé comme condition d'exercice de certains droits : 1° pour obtenir la cautio damni infecti; 2° pour procéder à une dénonciation de nouvel oeuvre 29 ; 3° pour obliger un banquier (argeetarius) à produire ses livres 30 ; 7i0 celui qui défère le serment nécessaire doit au préalable prêter le serment de calumnia31, sinon toute action lui sera refusée 32. Le jusjurandum calumniae fut également exigé dans la procédure criminelle, tout au moins dans les quaestiones perpetuae. D'après la loi Acilia repetundarum 33, au moment de la delatio nominis, l'accusateur doit dejurare calumniae causa non po(stulare) ; sinon la poursuite ne sera pas accueillie par le préteur. 3° Serment prêté par le, juge. Au début de tout procès, le juge doit prêter serment de rechercher la vérité et de se conformer aux lois 34. S'il ne parvient pas à se former une conviction, il peut se décharger de l'affaire en jurant qu'elle n'est pas claire pour lui (sibi non liquere) 30. Il est vraisemblable que le juge ne pouvait prendre ce parti sans l'autorisation du magistrat. L'affaire devait en effet être soumise à un autre juge ; et l'on n'admettait pas facilement le changement de jugeas Lorsque le procès était de la compétence d'un tribunal composé de plusieurs juges, comme celui des récupérateurs, le serinent sibi non liquere prêté par l'un d'eux n'en traînait pas forcément le remplacement de ce récupérateur, s'il restait un nombre suffisant de juges 37 [RECUPERATORES]. 40 Serment prêté par les plaideurs. D'après une Novelle adressée par Justinien au préfet d'Orient Petrus Barsyames, tout plaideur doit jurer qu'il n'a rien donné ou promis au juge. Le refus de serment entraîne pour le demandeur la perte de son droit, pour le défendeur la condamnation. ÉDOUARD CUQ. 14 :e floc jusjurandum auctore Praetore deferlur :idcirco non exigitur ut juretis ante, qui jusjurandum exigat ». 30 Ibid. 4 ad Ed. Dig. II, 13, 6, 2 ; Paul. 3 ad Ed. Quum sera juzato sententia dicenda sil, meminerit Deum se adhibele lestera ». Val. Max. VII, 2, 4; Quintal. V, 6, 4; Cod. Jus/. III, 1, 14 pr., cf. N. Dorosetz, Officium judieis, compétence du judex jura tus dans le droit civil romain aux premiers siècles de l'époque impériale, Vitebsk, 1898. 35 Gel]. XIV, 2. 36 tllp. 23 ad. Ed. Dig. L, 5, 13, 3 ; V, 1, 18 pr. ; Papin. 3 Quaest. eod. 39 pr. Paul. 2 Quaest. eod. 46 ; cf. Alfen. 6 Dig. eod. 76. 37 Pompon. 37 ad Ed. ap. Paul. 17 ad Ed. Dig. XLII, 1, 36. BmLzocnaenze. Joli. Rapt. ilansenins, De jure JUS 776 JUS nifications de la justice et du droit dans leurs applications diverses à la réalité, telles que les a conçues la religion hellénique et, toute proportion gardée, la religion romaine, sont nombreuses et de nuances variées. A vrai dire, toutes celles qui, à un titre quelconque, traduisent l'idée d'ordre et d'harmonie dans le développement de peuvent être ramenées à la conception de la justice fondée sur la volonté des dieux ou supérieure à cette volonté'. Il n'est question ici que de la justice et du droit au sens restreint, c'est-à-dire de l'expression, personnifiée et consacrée par le sentiment religieux, de la règle qui fait régner la paix entre les hommes, et qui sanctionne leurs rapports avec la divinité 2. Chez Homère, toutes les personnifications de ce genre sont vagues encore 3; elles s'incarnent moins dans des dieux distincts et subordonnés que dans les qualités des grands dieux qui président à l'ordre universel, particulièrement dans l'action souveraine de Zeus 4 ; le poète connaît l'homme juste, celui qui rend à chaque être ce qui lui est dû (ô(xatoç) ; il connaît le fait moral, usage, coutume, loi fatale ou fortuite, inhérente aux choses, dont les manifestations constituent pour lui moins la justice que la règle (i(xc) ; mais il ignore une personnification spéciale et précise de ce fait transporté dans le monde divin. Quant au mot O tç, il l'emploie à la fois comme nom commun et comme nom propre, ce qui est aussi le cas de 1).oïpa, d'aïea, etc.; en tant que nom commun, OÉi.tç désigne des règles établies (OEC(I.ç) à l'origine obscure du monde, pour être la garantie de l'ordre et de l'harmonie nécessaires à son existence G. Le passage de cette idée abstraite à une divinité personnifiée s'opère à la faveur de Thémis, servante ou compagne de Zeus, exécutrice de ses ordres, tantôt dans l'Olympe, tantôt parmi les mortels : mais Thémis ne fait encore que préparer les festins des dieux, introduire dans l'assemblée quelque grande divinité; sa fonction la plus éminente est de convoquer, au ciel et sur la terre, les conseils publics où de la délibération sortent les édits qui sont les fondements du droit 7. La poésie généalogique d'Hésiode et de ses imitateurs fait de Thémis une fille d'Ouranos et de Gaea ; les rapports encore indéterminés qu'Homère lui prête avec Zeus sont précisés, en ce qu'elle devient la plus ancienne épouse du dieu suprême, épouse que les Moïrae lui amènent des sources lointaines où habite son père, jusque dans l'Olympe 8. Elle a pour enfants les Horde, personnifications elles-mêmes de l'ordre cosmique, en tant qu'il est le principe de tous les biens pour les hommes et les dieux La Théogonie la met à côté de Mnémosyné, mère des Muses, parmi les douze Titans, idée qu'Eschyle a développée avec sa profondeur habituelle, dans le drame de Prométhée10. Identifiée même avec Gaea, dont elle est ailleurs la fille, elle est à la fois une divinité nourricière et une divinité prophétique ; c'est elle qui préside dans Délos à l'enfantement d'Apollon et d'Artémis, qui abreuve ces nouveau-nés de nectar et d'ambroisie et fait cadeau au jeune dieu de l'oracle de Delphes qu'elle avait obtenu de sa mère" ; c'est elle aussi qui reçoit des mains de Rhéa Zeus enfant et qui le transporte parmi les Nymphes, oà le nourrira Amalthée 12. A l'occasion de l'une de ces fables, l'hymne homérique lui décerne l'épithète d'iwx(-r1, quae vestigia sequitur, faisant allusion à la fois et à son pouvoir prophétique et à sa science du bien et du mal ; elle possédait en 'thrace un temple sous ce vocable et tout à l'entour une ville appelée Ichnae 13. Désormais Thémis siège aux côtés mêmes de Zeus et l'assiste de ses conseils; elle est nommée Elilou),oç, Sa science est même supérieure à celle de Zeus et des autres dieux ; les oracles qu'elle rend et les règles qu'elle édicte s'imposent aux dieux non moins qu'aux hommes et son action s'exerce sur le monde physique aussi bien que dans le monde moral'? ; c'est ainsi qu'elle devient la mère des Horne d'une part et celle des illoïrae de l'autre 1G. JUS 777 -JUS La poésie orphique met en relief la clairvoyance de Thémis quand elle en fait une fille d'IIélios, celle dont le regard pénètre tous les secrets : 7:avaEpxi ç Lehrs a montré comment cette conception mythologique de Thémis pénètre chez les Grecs le langage commun, à quel point elle met dans la notion de justice la signification religieuse 2. Partout où se rencontre l'expression Ofi.1ç il faut, par la pensée, supposer l'idée d'un ordre ou d'une défense émanés des dieux ou des lois éternelles que les (lieux mêmes subissent et n'ont point faites; il n'y a pas de mots dans nos idiomes modernes qui rendent le Oiwç ia (, le ni 6f 14 des Grecs. Le neutre .04r. etiov a toute la valeur du mot péché dans la théologie chrétienne 3 ; en le commettant, on s'expose au d'aliment divin qui est inséparable de la notion de loi divine. A ce point de vue, Thémis s'oppose à Hybris, empiètement insolent sur le droit d'autrui, et va de pair avec Némésis et les JIoirae qui sont l'expression de ce droit!' : de son ressort sont les obligations réciproques des divinités entre elles, celles des mortels envers les dieux, les parents, les époux, les maîtres, et, ce qui démontre la nature profondément humaine de la morale hellénique, les droits des pauvres qui commandent la pitié et ceux des morts qui imposent le respect. Quoique rédigé sous l'influence des idées romaines, le lexique de F estus ajustement défini Thémis : la déesse qui prescrit aux hommes ce qui est de droit divin et qui est elle-même identique à ce droit : quae praecllperet hominibus id petere quod jas esset, eamque id esse... quod et jas est G. Ce sont ces idées qui dictent la nature du culte dont elle est l'objet en divers lieux de la Grèce. A Thèbes, elle possédait un sanctuaire oit sa statue était placée près de celle de Zeus Agoraios et du groupe des Nloïrae ; à Égine elle figurait au temple de Zeus Xénios 8, là comme inspiratrice des sages conseils, ici comme protectrice (le l'hospitalité. A Athènes, elle avait un temple à la montée de l'Acropole, près de l'Asclépéion, temple où se trouvait placé le tombeau d'Itippolyte ; à Corinthe elle était honorée en compagnie d'Hélios que les légendes orphiques lui donnaient pour père, en compagnie aussi de la Nuit et de Poséidon10 ; ailleurs elle est associée à Diké sa fille. A Trézène, son être se multiplie en se constituant à l'état de triade, comme celui des Charites, des 1loïrae, des novae, sans doute pour y fournir un pendant1l. Pindare déjà connaissait ces Thémites de Zeus, alors que des mythographes postérieurs parlent des T/léntistiades, nymphes issues de Zeus et de Thémis qui habitaient une grotte à la source de l'Éridan et rendaient des oracles 12 Les représentations figurées de Thémis sont peu nombreuses ; cependant, s'il en faut croire Aulu-Gelle 12, les peintres aussi bien que les rhéteurs auraient exploité sa figure comme une sorte de lieu commun; ils la dépeignaient « sous les traits d'une jeune tille, à l'aspect-vif et V. redoutable, au regard pénétrant, avec un je ne sais quoi de triste et de digne, mais sans mélange de bassesse ni de dureté ». Gerhard a signalé pour la première fois Thémis prophétique ou conseillère sur une coupe de Vulci ; elle y est assise sur un trépied avec l'air juvénile et grave que lui prête Aulu-Gelle : devant elle se tient Égée qui attend sa parole 14. Zoega a retrous é son image sur des monnaies ; tantôt avec le casque et le bouclier qui la font ressembler à Athéna, tantôt avec la corne d'abondance, symbole de la prospérité qu'elle répand sur les nations, et avec la balance (lui exprime l'action équitable et réfléchie de sa justice lb. Ce dernier emblème, avec le bandeau sur les yeux, est devenu sa caractéristique chez les modernes; sur les monnaies romaines, la balance avec la corne d'abondance semble désigner ex lusivement la personnification de illonela1G L'être de Thémis se complète dans la mythologie grecque par celui de Diké qu'Ilomère ne connaît pas encore et qui apparaît pour la première fois en tant que divinité chez Ilésiode. Dans les OEuvres et les Jours, Dit, est appelée fille de Zeus, vierge vénérable et redoutée des dieux olympiens " ; dans la Théogonie, le poète nomme Thémis comme étant sa mère et lui donne pour soeurs Eunomia et Eiréné, le Bon Ordre et la Paix, saluées avec elle du titre d'nonnn p. 2119]'9. Cependant, nulle part elle n'est nommée en compagnie de quelque divinité de premier rang, comme le sont Thémis, Némésis, Niké; son importance est surtout grande chez les Grecs en tant que conception morale et religieuse '9. A ce point de vue, on peut dire que chez Homère même sa divinité est antérieure à sa personnification proprement dite; on en trouve la notion dans les ô(xzt, formules du droit primitif fondé sur la coutume, qui correspondent d'une part aux thémistes 9lE1.tcrcç), rude\ances d'un caractère JUS 778 JUS obligatoire, et d'autre part aux ômtir,vat, dons volontaires par lesquels les subordonnés témoignent leur déférence aux maîtres de la ferre Les rois ont recu de Zeus les thémistes en même temps que le sceptre 2, et ils sont les dispensateurs des ô(xat (xxc7;aot), ce formulaire du droit coutumier qu'ils tiennent également de Zeus. Les deux catégories de règles, les 0€p.tere et les ô:rxt, les unes d'origine céleste, les autres établies en vertu de la coutume par les hommes sous la garantie des dieux, sont le propre des sociétés bien ordonnées. Le cyclope.Polyphème ne connaît ni les unes ni les autres, et c'est pour cela qu'il est appelé sauvage et impie 3. Zeus qui est le principe du droit en est aussi la sanction : c'est lui qui châtie ceux d'entre les mortels qui, sans se soucier des dieux, font violence aux thémistes dans les assemblées et chassent la justice : ô(xri, la règle, s'oppose à 3(ri, la force, et la barbarie ignore Diké aussi bien qu'Aidos 1. Mais Diké n'est pas seulement l'incarnation du droit, elle en est aussi le ministre ; chez Hésiode, elle est au nombre des DAEMONES que Zeus a répandus sur la terre, pour être les gardiens des mortels, observer les actions bonnes et mauvaises, et, enveloppés de nuages, donner les richesses à ceux qui la vénèrent, le châtiment à ceux qui la violentent ou la méconnaissent. Son être est pareil à celui des Prières (AmriO dans l'allégorie bien connue d'IIomère, à celui de Némésis et d'Aïdos qui, dans la Théogonie, désertent l'humanité coupable et, s'enveloppant de leurs blancs vêtements, remontent dans l'Olympe 5. Chez les poètes postérieurs et dans l'opinion des foules, elle reste la règle qui fait distinguer le bien du mal, la sanction qui récompense l'un et qui châtie l'autre G. Cependant, c'est à peine si elle trouve une place dans la mythologie et le culte; elle vaut surtout comme la représentation animée d'une idée sociale et religieuse, que le langage poétique doue d'une personnalité intermittente ainsi chez Ilésiode, quand elle prend place à côté de Zeus pour accuser la perversité des hommes; ainsi encore lorsqu'elle poursuit les coupables et que tout en larmes elle leur apporte le malheur Les poètes tragiques lui maintiennent cette qualité de 7titu:ipoç, de aûvOovoç de Zeus 8 ; ils l'associent même aux divinités infernales lorsqu'il s'agit d'assurer le respect dit aux morts ; dans ce cas son être est voisin de celui des Erinyes [rulIAE, 1410 sq. ° ; Héraclite a fait des Erinyes mêmes les exécutrices des arrêts de Diké 1D. C'est du reste dans la tragédie grecque, à raison des grands crimes qui en sont la matière habituelle, que Diké prend le relief le plus personnel 11 ; ailleurs elle demeure une figure assez indécise, flottant entre la réalité plastique et l'abstraction divinisée. Terpandre la célèbre comme la garantie du bon ordre dans les sociétés humaines : « Heureuses les cités, dit-il, oh fleurissent la lance des guerriers, le chant des Muses et Diké qui rend les rues sûres. » Solon chante Diké qui sait tout ce qui se passe, dont l'action est lente mais inévitable : à la fin, dit-il, vient toujours le triomphe de Diké". Dans la langue commune, son nom est synonyme de châtiment ; les poètes l'arment d'une massue ou d'une sorte de houe, avec lesquelles tantôt elle frappe les coupables, tantôt elle sape l'édifice de leur bonheur ou le fondement de leur race. Ainsi la dépeint Iris chez Aristophane quand elle menace la cité des Oiseaux de la colère des dieux 13 ; ainsi elle figure sur le coffret de Cypsélos, quand elle égorge Adikia, l'injustice personnifiée comme elle, molli' qui se retrouve sur un vase peint de caractère archaïque (fig. 2883) 14. La poésie morale des Orphiques, qui relève d'Ilésiode, a fait à Diké une large place, en lui maintenant son double rôle de personnification du Droit et d'exécutrice de ses arrêts. Nous voyons, par une citation de Démosthènes dans une de ses harangues, que les vers de cette provenance ont fourni comme un recueil d'enseignement populaire qui reste en honneur jusqu'au déclin du paganisme ". Proclus, d'après Platon, en cite pour sa part où Diké est appelée ro),' otvoç, féconde en châtiments, marchant derrière le crime et prêtant son appui aux victimes 16. Ses lenteurs ne sont qu'apparentes; Zeus luimême, incarnation suprême de la justice et vénéré sous le vocable de itxatewoç, est aussi appelé i)viu,syos, celui qui tarde". Pour ne rien oublier, il inscrit sur des tablettes le bien et surtout le mal accompli par les hommes; Diké, assise à ses côtés, après l'avoir aidé dans cette comptabilité en partie double (ôt77tiuya ou UCiO..P«t), se charge de poursuivre les débiteurs. Le curieux prologue du I?ttdens, inspiré par la comédie grecque, prouve jusqu'à quel point des images de ce genre étaient devenues popula.ires18. La poésie astronomique des Alexandrins transporta Diké parmi les constellations célestes sous le nom d'Astraea et lui donna pour emblème l'épi, symbole de la prospérité matérielle 1°. Welcker avec raison trouve une preuve de la popularité des notions de Justice personnifiée dans le grand nombre de noms féminins dont Diké fait partie intégrante. Il est possible que celui d'Eurydiké, l'amante d'Orphée, le plus connu de tous, ail eu à l'origine une signification symbolique : le chanteur qui représente le triomphe de la civilisation sur la barbarie s'unit à la vierge qui est l'expression de toute justice". C'est la vivacité même de ces sentiments qui a valu à Diké une place, si petite qu'elle soit, dans la mythologie et dans le culte, quoique son rôle y ait été de bonne heure absorbé par Thémis, les Moïrae, les Érinyes, etc. Elle avait un téménos dans le port commerçant de Mé JUS -779JUS gare' ; Pausanias cite près d'Haliarte un sanctuaire de Praxidiké, personnification de la justice active, on l'on prêtait serinent sous la voûte libre du ciel, sans doute en invoquant la garantie de Zeus indvloç, au regard duquel rien n'échappe 2 ; il existe des inscriptions en l'honneur de Diké; quelques-unes même en l'honneur de Dikaiosuné, personnification plus récente, parfois identifiée avec Isis : l'une de ces inscriptions mentionne une statue érigée à Diké 3. Les Romains, eux aussi, ont de très bonne heure personnifié l'idée du droit et de l'équité, dans les divinités de Flous et d'Al:QUITAS, qui sont authentiquement latines. La vague personnification de Fas assimilée à Thémis et celle de Justitia qui correspond à Diké ont été créées sous l'influence de la morale hellénique En ce qui concerne Fas, on ne saurait dire qu'une divinité de ce nom se soit jamais installée dans la mythologie et dans le culte. Il faut noter cependant le caractère religieux d'invocations comme celle-ci, où les deux neutres de Jus et de Fas prennent la valeur de véritables personnalités : Audi, Jupiter, haec scelera ! Audite Jus Fasque! En y songeant, le poète Ausone a pu écrire : a Il y a des noms de dieux monosyllabiques : la première des déesses est Fas, la même que Thémis pour les Grecs 6. » La plupart des observations que nous a suggérées l'emploi de 0€N.a, nom commun, conviennent également à Fas ; mais le genre même rendait ce dernier impropre à l'usage poétique. Quant à Diké, elle eut son pendant exact dans la personnification de Justitia, qui ne paraît pas antérieure aux dernières années de la République 11 faut en faire honneur aux nombreux traducteurs des Phénomènes d'Aratus, à Germanicus entre autres 7. Ils en firent, comme les Grecs, une fille de Jupiter et de Thémis ou de Jupiter et de Dioné $. Virgile se contente de l'appeler Virgo dans l'Eglogue à Pollion où elle représente l'âge d'or : Jam redit et Virgo. Dans les Géorgiques, il la désigne par son nom et incarne en elle les vertus champêtres 9. Vorace en fait la compagne de Pudor et de Fides, la soeur de Veritas ; ailleurs, il lui donne l'épithète de potens et l'associe aux Parques 10. Ovide la nomme Justitia dans les Fastes, Astraea, comme Aratus, dans les Métamorphoses et il lui attribue un rôle analogue 11. Les poètes de la décadence multiplient jusqu'à. l'abus les personnifications morales du même genre et les lèguent à la poésie allégorique et symbolique du moyen âge. Justitia a néanmoins plus que la valeur d'une allégorie ; les Fastes Prénestins mentionnent pour l'an 13 ap. J.-C. (8 janvier), la dédicace d'une statue de la Justitia Augusta 12, dont on retrouve inscr. al 0111, 203 ; IV22544. 4 Voir mi grand nombre de personnifications analogues Fur, 662. 0 Auson. p. 199 (édit. Bipont.) 7 Germai. Phaenom. 137 ; cf. IIygin. dispositi et justitium in foro... fiuntquc omnia castris quazn urbi similiara. 2 Ibid. 111,3 ; a Justitium edieit... tutu quicumque astate militari essent, armati... in campo plus tard l'image sur les monnaies de Nerva et d'Hadrien 13; elle fut même l'objet d'un culte ailleurs qu'à Rome et une inscription mentionne un sacerdos Justitiae en province J.-A. 1Iu.n. JUSTITIU\i. Ce mot a reçu, suivant les époques, des significations très diverses. Il y a lieu de distinguer à cet égard entre la période de la République et celle de l'Empire. 1. Le justitium sous la République. Le justitium est une mesure exceptionnelle prise par les magistrats de Rome quand la patrie est en danger'. Elle était décrétée en cas de TMMULTUS pour faciliter la levée en masse des citoyens 2. Il y en a d'assez nombreux exemples: en 289, pendant la dictature de Cincinnatus, lorsque home était_ menacée par les Eques 3 ; en 458, pendant la guerre contre les Samnites4; en 613, au début de la guerre contre Jugurtha s ; pendant la guerre sociale 6. Le justitium fut également décrété pendant les guerres civiles à la suite du senalusconsultum ultimum SENATUSCOx5ULTUM : c'est ce que fit Sylla en 666 lors des troubles suscités par Sulpicius Le justitium avait pour effet un arrêt temporaire de tous actes publics ou privés(â7rF't) 8 exigeant le concours des magistrats ou de leurs délégués à l'exception des actes dont le justitium servait à assurer l'accomplissement10. Le cours de la jurisdictio était interrompu, le trésor public était fermé, les instances supprimées 11, la réception des ambassadeurs suspendue 12. Bien plus, les ventes aux enchères (auctiones) étaient remises à une date ultérieure 13 ; les boutiques étaient fermées sur le forum' 4, parfois même dans toute la ville l6. Bref, tout ce qui pouvait entraver l'enrôlement des citoyens était écarté. On enlevait tout prétexte à ceux qui se seraient excusés en disant qu'ils étaient retenus par leurs affaires 1G. Si dans l'usage le justitium entraînait des conséqucn ces multiples, son effet principal et essentiel, celui qui ressort de l'étymologie du mot, consiste en une suspension du jus. Justitium vient de jus-stitium (composé de sto comme sol-stitium et inter-stitium 17). Telle est aussi la définition du justitium donnée par le jurisconsulte Sextus Caecilius, au rapport d'Aulu-Gelle : juris quasi interstitio quaedam et cessatio 1 S. Mais quel sens convient-il d'attribuer ici au mot jus ? On a prétendu que le justitium impliquaitla suspension du droit, qu'il avait pour conséquence de conférer aux magistrats un pouvoir absolu. Pendant la durée du justitium, les lois, dit-on, n'avaient plus de force : les citoyens étaient soumis au bon plaisir de l'autorité publique 19. Cette manière de voir n'a pas trouvé d'écho 90 : l'effet du justitium eût dépassé le but à atteindre, et d'ailleurs le mot jus n'a pas seulement, au temps de Tit. Liv. L'pit. LXXII; Veil. Palet-c. II, 16, 4; Ascon. éd. Kiessling et Scboell, cas où le cours de la justice est suspendu à l'égard de certaines personnes (comme le jodlent sa), ou pour certaines catégories de procès, comme cela eut lieu au debul de la République en fa,cur des plébéiens qui n'axaient pu rembourser les saleurs qù ils axaient empruntées. Cf. Édouard Cuq, motif. juridiques des Romains, t. l' , sénat étaient suspendues. Mais le texte qu'il invoque ne parle que de la réception des legati; or on s'explique aisément qu'il n'y ait pas eu de séance pour cet objet : le sénat axait à s'occuper d'affaires plus urgentes. Cf. Willems, Le Senat de la Républ. oportere, jurisdictionem intermitti, claudi aerarium, judmia tolli. 12 Cie. Pro vatae rei quicquam agere . 17 Saumaise, Pliniana erercitationes (Paris, 1629 . JUS 780 JUS la République, le sens abstrait que l'on attribue aujourd'huiau mot droit : il a aussi un sens conscrit et désigne le lieu où le magistrat dit le droit [Jus, § 3]. Dire : jus scat, c'est dire qu'on ne peut procéder à aucun des actes qui d'ordinaire s'accomplissent en ce lieu. Ce qui est interdit, c'est d'abord l'exercice des fonctions publiques : nihil pro magistratu agere1, bien entendu sous la réserve plus haut indiquée; c'est aussi, et par voie de conséquence, l'exercice des droits privés'. Cela résulte du rapprochement établi par Sextus Caecilius, dans la suite du passage cité par Aulu-Gelle, entre l'effet du justitium et celui des justi dies accordés par les Douze Tables au judicatus MUAI UM : on ne peut, dit-il, agir en justice contre lui 3. Le droit de décréter le justitium appartenait anciennement au dictateur c'était un attribut de la major potestas INTERCLSSIO, p. 51i8]. L'exercice de ce droit s'appelait ici : justitium edicere s ou indicere s. A défaut de dictateur, les consuls 7 ou le préteur s pouvaient également proclamer le justitium, mais il semble que ce n'était plus en vertu du principe de la major potestas, car l'autorisation du sénat leur était nécessaire 9. Mommsen voit là une simple restriction à l'exercice du droit de prohibition appartenant à ces magistrats 1p; cette restriction n'aurait rien d'essentiel, comme le prouve l'exemple de Tiberius Gracchus qui, en 621, défendit, de sa propre autorité, aux autres magistrats ne quid pro magistratu agere". Mais cet exemple est unique, et peut-être l'édit de Tiberius Gracchus est-il tout simplement un acte révolutionnaire. Ce tribun de la plèbe se serait arrogé un droit que le dictateur seul pouvait jadis exercer sans l'autorisation du sénat DICTATOR ; aussi, pour prévenir toute résistance, dut-il menacer d'une amende les magistrats contreenants 12. S'il est vrai que depuis l'abolition de la dictature, le droit de décréter le justitium cessa d'être une conséquence du droit de prohibition, un attribut de la major potestas, on s'explique mieux les effets accessoires attachés à cette époque au justitium, comme l'interdiction des ventes aux enchères. Le justitium était une mesure essentiellement temporaire : elle était rapportée (remittere) aussitôt que possible. Dans l'un des cas cités par Tite-Live, le justitium fut maintenu dix-huit jours", mais dans un autre cas il ne dura que quatre jours ". Jusqu'ici le justitium nous est apparu comme le corollaire du tumultus : dans les Philippiques de Cicéron" et dans les treize passages où Tite-Live en parle", le lumultus est visé expressément ou tacitement. Il n'y a pas de preuve certaine que, sous la République, le justitium ait été décrété en d'a.utres circonstances. Mais on rencontre plusieurs fois des situations analogues à celles qui résultent du justitium et provoquées par des causes différentes. Par exemple, en 389, pour ôter au consul plébéien l'occasion d'agir, on différa toute affaire (res prolatae) : silentium omnium rerum ac justitio simile otium fuit''. En 133, après la capitulation de l'armée prise par les Samnites dans les défilés de Caudium, le peuple romain, en signe de deuil, observa le justitium au forum sans qu'il eût été décrété '3. Enfin, à l'époque où il n'y avait à Rome qu'un seul préteur, lorsqu'il était exceptionnellement appelé à commander un corps d'armée '9, on ne dit pas qu'il ait été remplacé" : le cours de la justice était en fait inter 1I. Le justitium sous l'Empire. Avec le système des armées permanentes inauguré par l'Empire, la, levée en masse et le justitium qui en était le corollaire ne tardèreut pas à disparaître". Désormais le justitium est décrété pour des causes très différentes : fête religieuse", famine'', funos publicum 2" [r'UNLS PUBLICUM-i, et surtout deuil public à l'occasion de la mort de l'empereur 26 ou d'un membre de la famille impériale''. C'est en raison de cette dernière cause, de beaucoup la plus fréquente, que le mot justitium prit peu à. peu la signification de deuil publics. Justitium dicitur luctus publicus 29. Mais ce serait une erreur de croire avec Du Cange et Forcellini qu'il n'en a pas eu d'autre. Ce serait, également une erreur de confondre, comme on l'a fait parfois30, le, justitium soit avec les justi dies accordés par les Douze Tables au judicatus 3', soit avec les jours où l'on rend aux morts les derniers devoirs ", soit enfin avec le délai de trente jours qui, d'après le droit fétial, suivait la cérémonie de la clarigatio 33. Le souvenir de l'acception première du mot justitium rte fut pas complètement effacé à l'époque impériale On le retrouve au Ife siècle dans le passage d'Aulu-Gelle oit est rapportée l'opinion du jurisconsulte Sextus Caecilius, au ive siècle chez les panégyristes32 et chez l'auteur d'un poème latin récemment publié 3'. ,eDoumin Cuo. JUT 781 JUT